La boule à facettes ne brille plus pour Patrick Juvet
« Où sont les femmes ? » et « I love America » vont resurgir dans les playlists: le chanteur suisse Patrick Juvet, star du disco dans les années 70 avec ces titres, est décédé à l’âge de 70 ans, a annoncé à l’AFP jeudi son agent Yann Ydoux.
Le corps de l’artiste a été retrouvé dans un appartement à Barcelone. Les causes du décès ne sont pas encore établies. « Il y aura une autopsie, je l’avais eu au téléphone il y a trois jours, je l’avais trouvé bien », a indiqué son agent.
« Patrick, c’est un personnage qui est plus profond, plus riche qu’on a pu le penser. C’est une grande perte », a déploré auprès de l’AFP Jean-Michel Jarre, qui avait travaillé avec lui sur deux de ses albums, dont « Paris by night » (1977), renfermant « Où sont les femmes ? », immense succès.
Les deux hommes avaient été mis en relation par une amie commune, productrice, car le Suisse voulait changer de voie après une première période de chanteur de variété, « chanteur à minettes » comme il le disait lui-même.
« I Love America », autre carton sur les dancefloors (1978), est lui né de la rencontre de Juvet avec des producteurs réputés du genre, Henri Belolo et Jacques Morali, et a été cosigné avec Victor Willis, pilier des Village People.
« C’est très triste, a déclaré à l’AFP Amanda Lear, qui le connaissait bien. Nous avons pratiquement débuté ensemble au début de la période disco. Je me souviens d’un duo en jumelles pour les Carpentier (show TV de variété célèbre des années 1960 à 1980) sur la chanson des +Demoiselles de Rochefort+ ».
« Efféminé, très maquillé, il assumait »
« Ça avait fait jaser à l’époque car il assumait le fait d’être efféminé, avec les cheveux longs et très maquillé comme Bowie », poursuit-elle. « Il a été un des premiers à faire son coming-out sur sa sexualité (il se disait bisexuel, ndlr), c’était assez révolutionnaire pour l’époque, c’était quelque chose qui n’était pas assumé dans le milieu de la chanson », complète Jean-Michel Jarre.
Amanda Lear insiste sur le fait qu’il « était prisonnier de ses tubes de l’époque ». « Il était obligé de chanter +I Love America+ et +Où sont les femmes ?+. On ne lui demandait rien d’autre alors qu’il avait enregistré plein d’autres chansons ».
« Il en était très frustré. Il n’était pas très heureux. Il s’était retiré en Espagne car la France le boudait un peu. Il vivait à Barcelone. On s’est vus la dernière fois là-bas. Il ne buvait plus. Il me disait qu’il essayait de s’en sortir ».
Drogue, alcool
La carrière de Juvet « a connu des hauts et des bas, des périodes fastes, d’autres moins, un peu comme Renaud », a résumé Yann Ydoux, qui a rencontré le chanteur il y a 22 ans. Au sommet, il eut d’ailleurs un Daniel Balavoine débutant comme choriste, chose peu connue du grand public.
Mais Juvet a aussi payé la rançon de la gloire. « Il l’a dit lui-même, il n’y a rien de secret. Avec son succès brutal, il s’est brûlé les ailes, il est tombé dans l’alcool, les drogues, les excès, ne s’en est pas vraiment remis », décrypte Jean-Michel Jarre.
Et les années 1990 ont été une traversée du désert qui n’a rien arrangé pour ses addictions.
La tournée « Âge tendre et tête de bois », à partir des années 2000, l’avait remis sous les projecteurs. Dans cet « all-star » des vedettes populaires, on retrouvait à ses côtés des artistes tels Dave, Sheila, Michèle Torr ou encore Stone et Charden.
« Quand je l’ai retrouvé pour cette tournée, il sortait d’une passe difficile, a expliqué à l’AFP Christophe Dechavanne, producteur de la tournée. Ce métier est difficile quand on n’est pas sans arrêt au top. J’ai eu le plaisir de le voir reprendre un immense goût pour la vie et la scène. Il faisait attention à lui avec un régime. J’ai assisté avec bonheur à tout ça ».
« Patrick avait encore pleins de projets, notamment un nouvel album en tant que compositeur », assure son agent. « Joyeux camarade des belles années Disco, magnifique mélodiste, un garçon si gentil, si affable », a écrit Sheila sur Facebook.
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