Kanye West candidat à la Maison Blanche, coup de folie, promo ou poil à gratter?
Gilet pare-balles, propos incohérents, saillie anti-avortement, larmes: la première sortie publique de Kanye West comme candidat à la Maison Blanche a fait le tour du monde dimanche, sans lever aucune interrogation sur son sérieux ou ses motivations réelles.
« Ye » – l’un des surnoms de ce trublion de la musique et de la mode – a certes décliné quelques axes de campagne sur une radio locale de Charleston, en Caroline du Sud, où a eu lieu sa première réunion publique, avec, en tête de liste, « l’attachement à la foi et à notre héritage religieux ».
Mais aucun message fort ne se dégage, contrairement au plus grand trublion de l’histoire politique américaine, Donald Trump, lui aussi novice en politique avant la campagne 2016.
Pourtant, s’il avait une ligne claire, « il aurait une chance de transformer ce qui est une farce en une campagne qui compte », estime Robert Yoon, professeur de journalisme à l’université du Michigan et spécialiste des campagnes électorales.
Techniquement, Kanye West n’a déjà plus aucune chance d’être élu président, car les inscriptions sont déjà closes au Texas et en Floride, deux Etats majeurs pour le scrutin présidentiel de novembre.
Par ailleurs, s’il est bien inscrit en Oklahoma, son équipe n’avait pas soumis avant lundi midi les 10.000 signatures nécessaires pour être enregistré en Caroline du Sud, a confirmé à l’AFP un porte-parole de la commission électorale de cet Etat, ce qui le disqualifie là aussi.
Pour Robert Yoon, cela ne signifie pas pour autant que tout est déjà fini pour lui ou qu’il ne puisse pas soutirer quelques précieuses voix au candidat démocrate Joe Biden. « Avec ses moyens personnels, sa visibilité et sa capacité éprouvée à attirer l’attention des médias, il pourrait être un joker dans suffisamment d’endroits pour avoir un impact sur le scrutin », prévient l’universitaire.
Troubles bipolaires
« Je pense que ce sera un acteur mineur dans la course, en admettant qu’il en soit même un », estime pour sa part Jeffrey McCune, professeur à l’université Washington de St-Louis, dans le Missouri.
Cet enseignant, qui a donné un cours sur Kanye West, s’intéresse davantage à la façon dont ce rappeur, génie du happening, peut bousculer le discours politique. Mais il s’inquiète aussi de voir la scène politique et médiatique occupée par deux candidats, Kanye West et Donald Trump, « inconstants au point d’empêcher tout débat de fond ».
D’autres redoutent que sa candidature ne soit un nouveau signe des troubles bipolaires dont souffre l’artiste.
Producteur musical de premier plan, rappeur au style unique, devenu milliardaire grâce à ses chaussures Yeezy pour Adidas, Kanye West est un créateur marquant des vingt dernières années.
Mais il s’est aussi signalé par plusieurs épisodes troublants, comme son monologue incohérent de plusieurs minutes dans le Bureau ovale devant un Donald Trump médusé, en octobre 2018.
Il y a eu aussi ces propos qualifiant l’esclavage de « choix » pour les Afro-Américains, en mai 2018. Ou ses déclarations dimanche estimant que l’héroïne de la lutte contre l’esclavage Harriet Tubman n’avait « jamais vraiment libéré les esclaves ».
Kanye West « a perdu la raison », a tweeté l’historienne Kate Clifford Larson, auteur d’un livre sur Harriet Tubman, « Bound for the Promise Land » (à destination de la terre promise).
Un proche de son épouse, Kim Kardashian West, a indiqué au magazine People que la vedette de téléréalité craignait qu’il ne s’agisse d’un nouvel épisode bipolaire.
Elle avait révélé en 2019 que Kanye West refusait de prendre des médicaments pour réguler ses troubles de comportement, estimant que cela affaiblirait son énergie créatrice.
Lundi soir, l’artiste de 43 ans a posté une série de messages mystérieux, accusant notamment sa femme d’avoir voulu le faire interner après sa sortie publique de dimanche.
Reste la possibilité que derrière tout cela se cache une nouvelle opération promotionnelle, avant la sortie d’un nouvel album, « Donda », annoncée vendredi.
« J’imagine que les gens vont se demander si le discours de sa campagne correspond à son rap. Et boom, des ventes! », s’amuse Jeffrey McCune. « J’imagine que ce n’est pas aussi simple (…) mais après tout, son côté provocateur a permis de l’enrichir ».
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