Yézidis : un génocide silencieux
Signé Caroline Fourest, le long métrage «Sœurs d’armes» (ce mardi à 21h10 sur France 2) met en scène des femmes qui s’unissent pour combattre Daesh. Parmi elles, une jeune Yézidie, rescapée d’un terrible massacre.
Pour son premier film, inspiré de faits réels, l’essayiste Caroline Fourest a entrepris de dépeindre l’histoire de Kenza (Camélia Jordana) et Yaël (Esther Garrel), deux jeunes Françaises qui ont pris les armes aux côtés des combattantes kurdes contre Daesh. Au cours de leur périple, elles croisent Zara, une rescapée yézidie issue d’un peuple persécuté par les terroristes.
Génocide reconnu
L’histoire prend place au cœur des conflits déclenchés par le Printemps arabe, en 2011, qui voient s’opposer de nombreux belligérants dont l’armée syrienne dite libre, l’armée syrienne gouvernementale, les Kurdes et des groupes djihadistes. Au-delà de la guerre, la réalisatrice a voulu mettre en lumière le drame vécu par le peuple yézidi, une minorité kurde. En 2014, Mossoul, deuxième ville la plus importante d’Irak, tombe aux mains de l’État islamique qui proclame le califat. En août de la même année, Sinjar, ville située dans le nord-ouest de l’Irak et foyer historique de la religion yézidie, est attaquée par l’EI.
Commence alors un long calvaire pour les Yézidis : les hommes sont massacrés, des milliers de femmes et d’enfants sont enlevés et convertis de force à l’islam, les jeunes garçons sont utilisés comme chair à canon, tandis que les femmes et les jeunes filles sont réduites à l’esclavage sexuel. «L’EI n’a jamais cherché à se cacher. Des décrets ont été pris, des manuels codifiaient la vente aux enchères des femmes yézidies», explique Nadia Murad, une rescapée, dans les pages du Monde. En mai 2021, Karim Khan, chef de l’enquête spéciale de l’Onu qui travaille sur ces massacres, déclarait avoir identifié la «preuve claire et convaincante qu’un génocide a été commis par l’EI contre les Yézidis en tant que groupe religieux», faisant plus de cinq mille victimes.
Celles qui affrontent la mort
Si la polémiste Caroline Fourest a décidé de filmer des femmes armes au poing, ce n’est pas uniquement par féminisme, mais bien parce que celles qui se lèvent contre Daesh sont réellement nombreuses. En 2014, les guerrières représentaient même 40 % des effectifs militaires kurdes. Une présence féminine qui est loin d’être une nouveauté pour ce peuple. «La première d’entre elles aurait été Margaret George Shello», relate France Info. «En 1960, à l’âge de 20 ans, elle a rejoint, en Irak, les rangs des peshmergas ou «ceux qui affrontent la mort», le nom des combattants kurdes.»
Depuis, la guerre n’a cessé de se décliner au féminin chez les Kurdes. Et, contre toute attente, dans le combat envers Daesh, être une femme peut se transformer en atout. «Les djihadistes ont peur d’elles», poursuit France Info. «Se faire tuer par une femme interdirait l’entrée au paradis.» Sur le front, pas ou peu de différence entre soldats et soldates. «Les combats qui ont lieu sont de l’ordre de la guérilla, ils ne nécessitent pas une force physique particulière», explique Sandrine Alexie, de l’Institut kurde de Paris, à 20 Minutes. «Les femmes remplissent donc les mêmes missions que les hommes ; elles ont même la réputation de faire de meilleurs snipers parce qu’elles seraient plus patientes.»
Vu et non approuvé
Sorti en 2019, le film de Caroline Fourest a reçu un accueil critique assez mitigé. À côté de l’avis médiatique, la réalisatrice française s’est aussi attiré le courroux du Collectif des combattantes et combattants francophones du Rojava. Dans un communiqué, le CCFR a pris publiquement position contre «Sœurs d’armes», en appelant au boycott du long métrage. Selon le Collectif, le film travestirait la réalité historique, ne représenterait pas la cause kurde et enjoliverait le rôle des peshmergas pour «faire plaisir au Kurdistan irakien» où le film a été tourné.
Cet article est paru dans le Télépro du 21/9/2023
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