Yamal : les rennes du Père Poutine

Les Nenets vivent sur la péninsule de Yamal, terme qui, dans leur langue, signifie «Finisterre», là où la terre se termine... © Getty Images

Dans la toundra sibérienne, les rennes vivent désormais sous les pipelines… Pour maximiser l’exploitation gazière, Poutine n’hésite pas à sacrifier les peuples autochtones de l’Arctique. Ce samedi à 23h20, Arte diffuse le documentaire «Gaz russe, la dernière routes des Nenets».

C’était une destination parfaite pour «Rendez-vous en terre inconnue» : chez les Nenets de Sibérie. Un peuple nomade, éleveur de rennes, qui vit au-delà du cercle polaire arctique. En 2007, Frédéric Lopez y avait invité Charlotte de Turckheim. Samedi, La Trois nous emmène de nouveau chez les Nenets. Mais en une quinzaine d’années, leur vie a considérablement changé… Car Poutine a décidé d’exploiter le sous-sol de la région, riche en gaz.

Au rythme des rennes

Les Nenets vivent au bout du monde, dans la péninsule de Yamal, une bande de terre qui s’enfonce sur 700 km dans l’océan Arctique. Toute leur vie durant, ils y migrent au rythme de leurs rennes. En été, ils montent vers le nord pour profiter des pâturages de la toundra. Puis ils redescendent vers le sud pour passer l’hiver dans la taïga. Les Nenets perpétuent ainsi la plus longue transhumance du monde. Ce sont aussi les derniers nomades éleveurs de rennes de la planète. Mais ils ont le malheur de vivre sur un énorme gisement de gaz…

Trop loin, trop froid

Voilà déjà cinquante ans que les ingénieurs soviétiques ont découvert le potentiel des champs gaziers de Yamal. Ils ont immédiatement tenté de l’exploiter, mais s’y sont cassé les dents. Trop loin, trop froid, trop compliqué à percer. Les Nenets ont alors souri, constatant que les bureaucrates de Moscou ne pouvaient rien contre la nature. Mais le Kremlin n’a jamais perdu de vue les immenses richesses gazières de l’Arctique. La Russie est déjà le premier producteur de gaz mondial et elle se verrait bien le premier producteur d’énergie… Exit les puissances pétrolières, place à la toute-puissance du gaz russe. En 2019, Poutine a donc annoncé la reprise à grande échelle de l’exploitation des sous-sols de la péninsule.

Un projet improbable

Sur les routes migratoires de leurs rennes, les Nenets ont donc vu apparaître des torchères. Elles crachent fumées et cendres, rendant les terres impropres au pâturage. Tout autour, ce sont de véritables sites industriels qui se développent en pleine toundra. Et à proximité, des cités-dortoirs pour les travailleurs et leur famille. Il faut aussi vivre avec les gazoducs qui sillonnent le paysage. Sans oublier une toute nouvelle ligne ferroviaire (la plus septentrionale du monde), un aéroport directement connecté à Moscou, et même un port… Car Poutine a décidé de créer une voie maritime d’où les méthaniers puissent desservir tant Shanghai que Zeebrugge. Le projet semblait improbable dans cette région bloquée par les glaces durant les très longs mois d’hiver… Mais la Russie utilise de puissants brise-glaces nucléaires pour ouvrir la banquise sur près de six mille km et ainsi permettre l’acheminement direct du gaz à travers toute la planète.

Impuissants et philosophes

L’impact est évidemment gigantesque. Tant sur l’écosystème que sur le mode de vie des Nenets. Ils constatent que leur région se réchauffe, ils voient fondre le permafrost, ils assistent impuissants à la mort de leurs rennes… Que peuvent-ils faire ? Rien. Ils le savent. Qui sont-ils pour espérer contrer le projet de Poutine ? Les plus philosophes se disent que dans cinquante ou cent ans, quand le gaz de Yamal sera épuisé, les hommes de Moscou finiront par s’en aller, et la nature reprendra ses droits. 

Cet article est paru dans le Télépro du 16/11/2023

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