Yakuzas, criminels en costume

Les tatouages des yakuzas témoignent de leur courage et de leur dévouement © France 5/Imagissime

Outre ses paysages, sa gastronomie et sa culture, le Japon est, pour ne rien gâcher, l’un des pays les plus sûrs au monde. Difficile alors de s’imaginer que le crime organisé y a pignon sur rue depuis des siècles…

Trafics en tous genres, jeux d’argent, «taxes de protection»… Tatoués de la tête aux pieds sous leurs costumes bien taillés, les yakuzas règnent dans l’ombre. Pour combien de temps encore ? Avant de plonger avec Arte (mardi à 20.55) dans leur univers vacillant, découvrons qui sont ces samouraïs des temps modernes.

Origines

L’origine des yakuzas est sujette à controverse. Pour certains, ils seraient apparus dès le VIIIe siècle, lorsque l’Empereur a rassemblé des marginaux pour les employer dans le secteur en pleine expansion des jeux d’argent. Pour d’autres, ils seraient les descendants des Kabuki-mono, les «fous», anciens soldats aux ordres des shoguns (chefs de guerre) qui terrorisaient l’archipel durant l’époque Edo (XVIIe – XIXe siècle). Les yakuzas d’aujourd’hui refusent cette dernière filiation en raison de leur mauvaise réputation. Ils préfèrent être assimilés aux Machi-Yokko, les «défenseurs de la ville» qui luttaient contre ces samouraïs sans maître. Selon la dernière hypothèse, ils descendraient de deux corporations, les Tekiya – des marchands ambulants, spécialistes des arnaques et du racket – et les Bakuto – des joueurs itinérants qui organisaient des jeux d’argent clandestins. L’origine du nom «yakuza» viendrait d’ailleurs d’un jeu de cartes dont la main la moins bonne est la combinaison des cartes 8 («ya(tsu)» – 9 («ku») – 3 («za»). Les yakuzas seraient donc des «perdants», mais assumant ce statut avec fierté.

Avant 1945

Dès leurs débuts, les yakuzas tissent des liens étroits avec les autorités et leurs activités évoluent au fil des bouleversements de la société nippone. Après une période de repli, à la fin du XIXe siècle, l’archipel s’ouvre sur l’Occident. Coup dur pour les yakuzas, attachés aux valeurs traditionnelles. Plusieurs attentats sont perpétrés contre des personnalités favorables à cette ouverture. Ils sont, par contre, de fervents partisans de l’expansionnisme. Le ministre de la Guerre leur aurait d’ailleurs commandité l’assassinat de la reine Min de Corée, le 8 octobre 1895. Les yakuzas, bras droits des ultranationalistes, agissent alors en toute impunité et amassent des fortunes. C’est à cette époque, en 1915, qu’est créée à Kobe la plus grande famille, les Yamaguchi-gumi. Près de la moitié des yakuzas en ferait partie.

L’après-guerre

Après la défaite de la Seconde Guerre, face à l’occupant américain, les yakuzas savent se rendre indispensables. Ils sont chargés par les autorités (notamment la CIA) de lutter contre la menace communiste et contre les mafias coréenne et taïwanaise. Ils ont aussi la mainmise sur le juteux business du marché noir, seul moyen de subsistance dans un Japon ravagé. Alors que le pays se reconstruit, les yakuzas vivent leur apogée. Dans les années 1960, ils seraient plus de 184.000, soit plus nombreux que les soldats de l’armée régulière. Mais cet âge d’or touche à sa fin au début des années 1990 lorsque des rivalités territoriales causent de nombreux morts et que les scandales de corruption se multiplient. Le 1er mars 1992, le gouvernement vote une loi antigang, forçant les organisations criminelles à déclarer leurs activités. Il s’est depuis doté d’un arsenal législatif anti-pègre, interdisant notamment aux membres d’un gang d’ouvrir un compte. Si leur nombre a drastiquement diminué, les yakuzas se sont aussi faits plus discrets…

Comment les reconnaître ?

Les yakuzas sont principalement identifiables grâce à leurs tatouages, symboles de courage et de dévouement. Il y a cependant peu de chance que vous les aperceviez, les tatoués étant encore mal vus au Japon, où les bains publics leurs sont le plus souvent interdits. En revanche, si vous croisez un homme à qui il manque une phalange… Le Yubitsume est une coutume séculaire consistant à trancher le bout de l’auriculaire en cas de manquement aux règles. Si en plus il lit le «Yamaguchi-gumi Shinpo», la gazette de la pègre, il n’y a plus de doute…

Cet article est paru dans le Télépro du 21/3/2024

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