Vêtements : le marché de la seconde main doit se réinventer !
Face aux applis de type Vinted, le secteur du vêtement d’occasion solidaire souffre !
Jeudi à 21h10 sur France 2, «Envoyé spécial» s’intéresse au succès et à l’expansion de l’appli Vinted, présente dans dix-neuf pays et forte de 80 millions d’utilisateurs. L’émission a obtenu l’autorisation de se rendre au siège de l’application, en Lituanie, et d’interviewer sa fondatrice, Milda Mitkute.
Mais en France, l’engouement pour ces plateformes n’est pas sans conséquence : le mouvement caritatif Emmaüs constate ainsi la baisse des dons et de leur qualité. Nous avons voulu savoir si les conséquences étaient tout aussi néfastes en Belgique. Vinted est-elle compatible avec l’économie sociale et solidaire ?
La qualité diminue
Directeur de l’asbl Terre, Christian Dessart ne se focalise pas sur Vinted : «Quand les poubelles sont devenues payantes, nous avons commencé à recevoir beaucoup d’ordures dans nos bulles. Elles sont dans la rue et accessibles nuit et jour : il est facile d’y déposer n’importe quoi… Marketplace, eBay et Vinted n’ont pas arrangé les choses. La quantité de vêtements déposés ne diminue pas, au contraire : fin 2023, nous aurons récolté mille tonnes de plus que l’an dernier. Mais la qualité diminue. Le vêtement nous parvient plus tard et dans un état déplorable. Nous ne travaillons plus dans la 2e main, mais dans la 5e ou 6e… Il y aussi la qualité du vêtement qui, dès le départ, est moins bonne et qui contient de moins en moins de coton. Nous devons devenir des experts du recyclage et trier par matière : coton, polyester, etc. Notre objectif est d’ouvrir toujours plus de magasins Terre, d’en avoir un tous les vingt kilomètres en Wallonie, et de créer des emplois : autour des magasins et dans le recyclage. Celui-ci est de plus en plus important car il y a de plus en plus de vêtements sur le marché. De nouveaux métiers apparaissent, comme la découpe de chiffons et le déflocage (découdre le logo d’une société d’un vêtement neuf).»
Un projet d’économie sociale
Coordinatrice chez Oxfam-Magasins du Monde, Anne Barthélemy soutient le même idéal : «Nous avons soixante-cinq magasins en Wallonie et à Bruxelles, dont trente de seconde main et trente-cinq de commerce équitable. Ces derniers n’étant pas assez rentables, nous avons besoin des magasins de seconde main pour soutenir l’activité. Nous accusons une diminution de la qualité des dons, mais moins que dans les bulles car les donateurs apportent eux-mêmes leurs sacs de vêtements dans nos magasins, de la main à la main, ils n’osent donc pas apporter des vêtements en trop mauvais état. Nous ne gardons que 10 à 30 % d’un sac de dons car nous visons une belle qualité de vêtement. Le tri se fait sur place, dans le magasin, nous travaillons donc en circuit court. Face à des applis comme Vinted, nous devons nous réinventer. Nous augmentons nos campagnes de sensibilisation en mettant en évidence l’objet social de notre activité et nos partenaires, des artisans du Sud. Donner ou acheter un vêtement chez Oxfam, ce n’est pas seulement une démarche écologique, c’est aussi soutenir un projet d’économie sociale.»
Un marché qui attise les convoitises
En dix ans, les achats de vêtements ont augmenté de 50 %. En Belgique, chaque habitant «consomme» en moyenne 14 kilos de vêtements par an, dont il se débarrasse de plus en plus rapidement. Le marché de la seconde main s’est donc développé et attise les convoitises d’entreprises privées. D’autres bulles sont apparues dans nos rues ou dans les parcs à conteneurs : Curitas, Recytex Europe… La différence ? Terre, Oxfam et Les Petits Riens font partie des associations labellisées «Solid’R», un label qui assure une issue éthique du don. Des collectes sont même menées en toute illégalité, par des fausses bulles à vêtements déposées par des pseudo-organisations solidaires. Ne donnez pas vos vêtements à n’importe qui ! Si le logo «Solid’R» ne figure pas sur la bulle, méfiez-vous…
Cet article est paru dans le Télépro du 30/11/2023
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