Une vie de cavale

Marco Mouly © Getty Images

Fugitifs et évadés partagent un farouche désir de liberté et de se soustraire aux lois du système. Certains ont laissé derrière eux des cavales mémorables… Ce jeudi à 23h sur France 2, «Complément d’enquête» nous emmène sur leurs traces.

Il est des tempéraments hyperactifs ou écorchés durant l’enfance, constamment à la recherche d’adrénaline, souvent allergiques à une existence trop rangée et désireux de se donner les moyens de vivre autrement. Cela les mène fréquemment devant la justice. Mais mettre pareils oiseaux en cage est compliqué…

S’enivrer de frissons

Ce besoin de rocambolesque ne serait pas lié à la condition sociale. Bernard André, dit le Baron, en est un exemple édifiant. Durant quarante ans, l’homme d’origine bourgeoise a été en cavale, cumulant les cambriolages chez les nantis. À la «retraite», il a publié : «Le Baron, l’itinéraire d’un voyou gâté». Et confié sur France 2 : «J’ai connu le pire et le meilleur, j’ai dormi dans les plus beaux palaces, mais aussi sur une paillasse au sol. Je n’ai aucun remord de n’avoir volé que les riches. Je me suis soulé à l’adrénaline en détroussant les grands de ce monde.»

Mais pourquoi tant de risques ? Bernard précise dans La Dépêche qu’à 17 ans, il étouffait : «Je voulais de l’argent. Je refusais une vie étriquée. Mais l’argent permet tout y compris d’être généreux ! Même si je n’ai maintenant plus rien, j’ai été l’hôte de cette vie inestimable !»

Confiance en l’inconscience

Son histoire rappelle celle de Frank Abagnale, imposteur dont les arnaques ont commencé à 16 ans et ont inspiré Spielberg pour le film «Arrête-moi si tu peux». «Tout ce que j’ai fait, c’était parce que j’étais adolescent», explique à Treatadvice.com celui qui a joué au chat et à la souris avec le FBI de 1960 à 1969. «Je n’avais pas peur des conséquences. Si j’avais été plus âgé, je n’aurais jamais commis la moitié de ces forfaits. L’inconscience m’a donné la confiance nécessaire !»

Même discours pour Marco Mouly, multirécidiviste (283 millions € détournés, condamnation à huit ans de prison en 2016) qui s’est évadé en enfilant une robe d’avocat pour sortir en toute quiétude du tribunal. «J’aime faire des choses impossibles !», a affirmé «le roi de l’arnaque» à France 2. «J’ai le regret d’avoir volé. Mais j’ai connu de grandes émotions !» Marco aime aussi la lumière, allant jusqu’à appeler des photographes pour médiatiser son arrestation annoncée !

Resté introuvable

Autre phénomène théâtral : Albert Spaggiari du gang des égoutiers dont le tunnel creusé jusqu’à une banque niçoise a rapporté 64 millions de francs en 1976. Arrêté, «Bert» lance à son avocat, Me Peyrat : «Je n’ai aucune intention de rester en prison». Reçu dans le bureau du juge, en mars 1977, il saute par la fenêtre, atterrit sur le toit d’une auto et rejoint la moto d’un complice. Le fugitif restera introuvable jusqu’à sa mort en 1989. Aimant les interviews, il avait livré au Figaro : «Je n’ai pas le sentiment d’être un homme traqué, cette cavale me semble être un élément naturel de ma vie !»

La clandestinité, suicide social

François Besse ne partage pas cette impression. Surnommé «le lieutenant de Jacques Mesrine», l’ennemi public n°1 des années 1970, et «l’Anguille» pour s’être évadé sept fois, il assure à Metrotime : «Dans mes évasions, je n’ai jamais échoué. Une trouille me commandait de ne bouger que quand tout était calé à 100 %. Là, une paix intérieure m’envahissait car je savais que tout se déroulerait en ma faveur. Les vraies difficultés commencent dehors : la clandestinité demande une grande discrétion. C’est un suicide social. À chaque évasion, il fallait tout perdre, tout recommencer. Une vie qui n’avait rien à voir avec la liberté…» 

Cet article est paru dans le Télépro du 2/2/2023

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