Ultra moderne violence : l’être humain est-il plus violent qu’il ne l’a jamais été ?
À en croire certains discours, elle serait présente partout, tout le temps, bien plus qu’avant. La réalité est plus nuancée. Ce mercredi à 23h sur La Une, «Matière grise» se demande si l’être humain est devenu plus violent qu’il ne l’a jamais été.
Ouvrez un journal, allumez la télé, connectez-vous sur Internet : la violence semble être présente sur tous les fronts. Physique, verbale, scripturale, sous forme de guerres, d’attentats ou de manifestations, gratuite, aveugle, crapuleuse… : elle a mille visages.
Fondés ou non, la peur et le sentiment d’insécurité qu’elle distille se répandent au sein de la population. Fantasme pour certains, réalité inquiétante pour d’autres : entre les points de vue opposés, il y a de la place pour la nuance.
Pas de mesure fiable
«Il n’y a pas de sentiment d’insécurité, il y a un climat d’insécurité.» Interviewé dans les colonnes du magazine L’Express, le professeur français en criminologie Alain Bauer revient, en mai dernier, sur les statistiques de la violence en France. Selon celles-ci, le taux «d’homicidité» est le plus élevé jamais atteint dans l’Hexagone depuis près d’un demi-siècle.
«Homicidité» ? Un terme utilisé par le criminologue pour définir un outil capable de mesurer la violence sur la base de sept indicateurs (homicides, coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort…). Le nombre de faits ainsi répertoriés auraient augmenté de 65 % ces vingt dernières années.
Des chiffres qui n’empêchent toutefois pas le criminologue d’affirmer : «Il n’y a pas d’outils fiables ou stables de calcul de la criminalité et de la délinquance.»
Pour atteindre cette fiabilité, il faudrait, selon lui, mixer ce que les gens déclarent, ce que la police constate et ce que les gens disent avoir subi, mais ne déclarent pas. Cet outil n’existant pas pour l’instant en Belgique, nous voilà donc contraints de nous tourner vers les chiffres publiés par la Police fédérale au mois de juillet dernier.
Violences en chiffres
En 2020, 969.383 faits ont été répertoriés. C’est 7 % de plus que l’année précédente, mais «si l’on fait abstraction des infractions aux mesures corona (…), tempère la Police fédérale, le nombre total de procès-verbaux pour 2020 est nettement inférieur à celui des années précédentes».
Quand il est question d’interpréter les chiffres du baromètre par catégories (homicides, vols, arnaques Internet…), la Police fédérale enfile à nouveau trois paires de gants : «Davantage de signalements d’un certain type de criminalité ne signifie pas forcément que cette forme de criminalité apparaît plus fréquemment : cela peut aussi bien résulter d’une plus forte propension de la population à déclarer les faits, ou d’une évolution des techniques d’enquête.»
En matière de violences sexuelles et intrafamiliales par exemple, les statistiques s’envolent, mais la libération de la parole peut aussi expliquer ce phénomène.
Sentiment de sécurité
En ce qui concerne le sentiment de sécurité, selon le dernier rapport du Moniteur de sécurité (également publié par la Police fédérale), «75 % des Belges se sentent (presque) toujours en sécurité dans leur quartier. Le sentiment d’insécurité diminue depuis l’année 2000».
Un chiffre noir attire aussi l’attention : une grande partie des personnes interrogées (168.206 réponses) affirment ne pas avoir signalé ou déclaré avoir été victimes d’un délit aux services de police, «environ 38 % des infractions sont signalées à un service de police. Seules 25 % de celles-ci sont enregistrées dans un procès-verbal». Difficile donc de se baser sur les chiffres pour se faire une idée fiable de la situation.
En France, la dernière publication «Sécurité et société» de l’Institut national de la statistique et des études économiques montre une certaine stabilité du sentiment d’insécurité ces dix dernières années. Pourtant, selon un sondage du cabinet d’études et de conseil Elabe, plus d’un Français sur trois (38 %) cite la sécurité comme le thème qui comptera le plus dans son choix lors de l’élection présidentielle, devant le pouvoir d’achat (33 %) et la santé (30 %).
Cet article est paru dans le Télépro du 3/2/2022
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