Tourisme au pays des dictateurs
Leurs villes natales ou leurs lieux de sépultures attirent les curieux en masses. Ce mercredi à 22h50, Arte diffuse le documentaire «Le Maire, Mussolini et le musée».
Predappio, en Italie, dans la région d’Émilie-Romagne. 6.247 habitants mais dix fois plus de touristes chaque année, attirés par «la» curiosité locale. L’église San Cassiano in Pennino ? Son autel du XIe siècle vaut le détour. Au point d’attirer 70.000 visiteurs ? Pas sûr. La place semi-circulaire, la monumentale caserne des Carabinieri ? Encore moins.
Direction le cimetière, le Cimitero Monumentale di San Cassiano in Pennino. À l’origine, il s’agit d’un petit cimetière de campagne. Une des défuntes qui y reposent est une ancienne institutrice catholique du village : Rosa Maltoni. Ce nom ne vous dit rien ? Précisons qu’en 1882, Rosa a épousé Alessandro Mussolini et, le 29 juillet 1883, elle a donné naissance à un petit Benito. Vous avez compris ?
Predappio est le village natal du fondateur et dirigeant du parti fasciste italien, Benito Mussolini, qui organise la marche sur Rome en 1922, prend la tête du gouvernement et transforme l’Italie en régime totalitaire en 1925. Le Duce qui s’allie à l’Allemagne nazie lors de la Seconde Guerre. Le dictateur déchu, vaincu, fait prisonnier et exécuté par la résistance le 28 avril 1945.
Visite guidée
Le cimetière, devenu monumental en 1930 pour accueillir un mausolée où Mussolini rêvait que repose toute sa famille à ses côtés, est aujourd’hui un lieu de pèlerinage. Dans la crypte familiale surplombant les lieux, un buste en marbre blanc du dictateur, son tombeau recouvert du drapeau national, un livre d’or. Dans celui-ci, des visiteurs laissent quelques mots : «Beaucoup d’ennemis, beaucoup d’honneur», ou «Reviens»… Une fois la visite terminée, il est possible de se rendre dans la maison natale du «Chef». À l’intérieur : un plan de la nouvelle ville signé de sa main, quelques objets d’époque et l’un ou l’autre témoin de l’histoire contemporaine. Dans le village, les nostalgiques du fascisme peuvent aussi se faire plaisir en s’offrant un souvenir du dictateur, de la tasse à son effigie en passant par une reproduction d’affiche de propagande ou une croix celtique. Le cas de Predappio n’est pas isolé.
Exhumation
En Espagne, le culte de Franco a aussi ses (nombreux) adeptes. Le 24 octobre 2019, la dépouille de l’ancien dictateur espagnol Francisco Franco quitte le mausolée monumental des environs de Madrid où il reposait depuis plus de quarante ans. Comme le relate France Info à l’époque, des dizaines de gerbes venues de tout le pays ont été livrées. Son cercueil, porté par huit membres de sa famille, est salué par 200 «afficionados». Ils n’oublient pas l’itinéraire de celui qu’ils considèrent toujours comme leur caudillo, leur chef : la victoire du général dans la guerre civile en 1939, le début de la dictature, ses 36 ans de règne aux cours desquels il dirige le pays d’une main de fer dans un gant d’acier jusqu’à sa mort en 1975, à 82 ans. Jusqu’en 2019, le mausolée recevait la visite de milliers de personnes, près de 40.000 en un mois avant l’exhumation. En procédant à celle-ci et au déplacement du cercueil dans le caveau familial de Mingorrubio, le gouvernement espagnol tourne définitivement un page de l’histoire du franquisme.
Destruction
Le village natal ou le lieu n’inhumation d’un dictateur ne font pas systématiquement l’objet d’une curiosité voire d’un culte. La question ne se pose pas pour Hitler : on ignore où il a été enterré. Quant à la tombe de Pol Pot au Cambodge, elle ne ferait pas recette. En ce qui concerne Saddam Hussein, le cas est encore différent. Le village d’Al-Awja, où le Raïs est né en 1937 et où il a été enterré en 2006, a été vidé de ses habitants il y a huit ans. Au début de la guerre contre Daech en 2015, le mausolée construit en son honneur a aussi été démoli. Al-Awja est devenu un village fantôme.
Cet article est paru dans le Télépro du 13/4/2023
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