Tests ADN : là où y’a des gènes, y’a pas d’gêne !
Les tests ADN grand public séduisent de plus en plus de consommateurs curieux de découvrirleurs origines ethniques ou des prédispositions à certaines maladies.
Un nouveau business juteux soulève bien des questions, comme le montre le documentaire «ADN Business, main basse sur nos gènes», diffusé mercredi à 20h20 sur La Une. Après le commerce de nos données personnelles, voici venue la marchandisation de nos données génétiques.
Une centaine d’euros
Depuis vingt ans, des laboratoires privés, comme Ancestry, 23&Me ou MyHeritage, proposent des tests ADN en libre-service. À l’origine, l’analyse de ces échantillons de salive, dits « tests récréatifs », avait pour objectif de découvrir nos origines supposées et notre patrimoine génétique. Près de 50 millions de personnes dans le monde ont succombé à l’attrait de ces kits. C’est la chute du coût des technologies qui explique l’essor de ce business très lucratif. À la fin des années 1990, il fallait des millions de dollars pour séquencer un génome. Aujourd’hui, on peut le faire pour une centaine d’euros.
« Une escroquerie ! »
Très vite, en plus de proposer de découvrir d’où viennent nos ancêtres et d’éventuellement mettre la main sur un proche « éloigné », les labos ont lancé des tests à visée médicale. Avec la promesse d’évaluer le risque de diabète, d’Alzheimer ou de maladie de Parkinson.
Une escroquerie pour de nombreux généticiens. « Ces maladies sont rarement liées à la mutation d’un gène particulier. Plusieurs gènes de prédisposition existent pour ces pathologies et chacun d’eux interagit. Être porteur ne permet pas de prédire avec certitude l’apparition d’un trouble. À l’inverse, être indemne ne protège pas », expliquent-ils. « En prêtant la science infuse à cette molécule inerte qu’est l’ADN, on oublie qu’elle ne peut pas tout nous apprendre. Une analyse de salive ne peut suffire à prédire l’avenir. » Sans compter que les résultats peuvent être erronés. En 2018, une entreprise a identifié à tort l’échantillon d’ADN d’un labrador comme étant humain !
Problème éthique
Cette grande collecte de données génétiques soulève de nombreuses inquiétudes tant sur le plan éthique que juridique. « Un test ADN n’est jamais anodin », alerte la CNIL, l’autorité française qui veille à la protection des données personnelles. « Réaliser un décryptage génétique révèle des informations comme les données relatives à vos origines ethniques, les données phénotypiques comme la couleur de vos yeux, de votre peau, votre morphologie ou les données relatives à votre état de santé ou vos prédispositions à certaines maladies. Le risque de fuites ou d’utilisation abusive est préoccupant. »
Géants pharmaceutiques
Car notre code génétique est devenu un produit précieux. 23&Me a révélé avoir passé un accord de 300 millions de dollars avec le géant pharmaceutique GSK en 2018 pour accéder à des données agrégées sur ses clients. Calico Life Sciences, une société de technologie médicale, constitue le principal partenaire de recherche d’Ancestry.com.
Banques et assurances
L’industrie pharmaceutique n’est pas le seul secteur intéressé par notre profil génétique. Les banques et les assurances, dans certains pays, les utilisent déjà pour sélectionner leurs clients potentiels. Le risque de discrimination est inquiétant. Les hackers ne sont pas en reste. En 2023, des pirates informatiques sont parvenus à voler l’ADN de près de 1,4 million d’utilisateurs de 23&Me.
Beaucoup de bruit…
Alors qu’aucune régulation internationale n’est en place, l’engouement pour les kits en accès direct semble marquer le pas. « La grande désillusion des tests ADN », titrait l’hebdomadaire new-yorkais Bloomberg Businessweek en mai dernier. « À part des futilités sur le pays d’origine de leurs ancêtres, les gens n’ont pas tiré grand-chose de ces tests », ironisait la revue. « Il existe encore un fossé entre les utilisations pratiques des tests ADN, désormais considérés comme pas assez convaincants d’un point de vue médical, et le battage médiatique élogieux qui les entoure. Nous attendons toujours la grande révolution de l’ADN dans le domaine de la santé », concluait Bloomberg.
Cet article est paru dans le Télépro du 23/1/2025Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici