Tabou en règles !
Ce lundi à 20h35, La Trois s’intéresse à un sujet tabou : les règles ! Un phénomène physiologique et naturel englué d’hypocrisie…
Vous souvenez-vous de la dernière fois que vous avez discuté de règles autour d’un repas de famille ? Bien sûr que non ! Ce sont des «choses» dont on ne parle pas. On évoque tout au plus les «ragnagnas», les «lunes», les «Anglais qui débarquent» ou «l’Armée rouge». On déclare «être dans ses coquelicots» pour justifier le malaise d’être «indisposée». Pourquoi tant de périphrases sur un sujet qui concerne toutes les femmes depuis la nuit des temps ?
Censure
«45 % des adolescentes n’osent pas aller à l’infirmerie demander une protection ou faire du sport», s’indigne Armelle Oger en 2019, dans son enquête pour briser le tabou. «Et 57 % des femmes ont déjà entendu au bureau : « Elle est de mauvaise humeur, elle doit avoir ses règles ! »», ajoute-t-elle. Des clichés entretenus par le secteur du marketing où les «indésirables», jamais franchement nommées, sont représentées par un liquide bleu schtroumpf…
Sang impur
Si les règles sont taboues, c’est parce que le sang menstruel est, depuis toujours, considéré comme impur. Pline l’Ancien (Ier siècle) avance qu’elles sont «malfaisantes» et qu’une femme réglée fait «aigrir le vin doux». Pour Hippocrate, le «père de la médecine», elles sont «une saignée naturelle», un mal à évacuer sous peine de souffrir de «démence» ! Les mentalités n’évoluent guère au Moyen Âge : les rapports en période menstruelle y sont interdits. Au risque de mettre au monde un enfant… roux.
Les règles changent !
Bien qu’aujourd’hui, certains mythes persistent – telle la croyance qu’une femme menstruée «rate la mayonnaise» -, la parole se libère. En 2014, la youtubeuse Natoo brise les non-dits du cycle féminin dans une vidéo humoristique cumulant 22 millions de vues.
Tiktok et Instagram ne sont pas en reste. Malgré le scandale, en 2015, de l’artiste indienne Rupi Kaur qui avait vu sa photo censurée à cause d’une tache de sang sur ses vêtements… Enfin, en 2018, la marque Nana ose diffuser sur les réseaux sociaux une publicité où, pour la première fois, le liquide est… rouge. Mais le problème est-il réglé ?
Comment faisaient les femmes avant ?
Il n’est pas loin le temps où la gent féminine laissait couler son flux écarlate en toute insouciance. Pourtant, dès l’Antiquité, des tampons artisanaux font leurs preuves : les Égyptiennes s’insèrent du papyrus ramolli tandis que les Grecques et Romaines privilégient des compresses enroulées autour d’un petit morceau de bois.
Une pratique vue comme un péché au Moyen Âge ! L’introduction d’un objet dans le vagin étant condamnée par l’Église… Les jupons endossent désormais le rôle d’absorber le sang menstruel.
Au XIXe siècle, l’hygiène se place au cœur des préoccupations. Surtout avec la théorie des germes de Pasteur. La ceinture en caoutchouc voit le jour ! «C’est l’ancêtre de la serviette hygiénique», explique Femmes Plurielles. Cet attirail au confort douteux «soutient une bande de tissu absorbant avec divers systèmes d’attache : pressions, épingles à nourrice, etc.»
Par chance, les sous-vêtements se généralisent au XXe siècle grâce à l’essor de l’industrie du coton. Les morceaux de tissus lavables se placent directement dans la culotte ! Il faudra attendre les années 1960 pour trouver des serviettes jetables en magasin. Dix ans plus tard, elles se dotent d’une bande adhésive.
Mais aujourd’hui, «la tendance s’inverse», observe Femmes Plurielles. «De plus en plus de jeunes filles se tournent vers la coupe menstruelle et la culotte de règles.» Cet engouement s’expliquerait aussi pour des raisons financières : une femme dépenserait au moins «5.300 € pour 38 années de menstruations au cours de sa vie», estime le Centre d’action laïque. De quoi perdre son sang-froid !
Cet article est paru dans le Télépro du 1/12/2022
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