Syndrome de résignation : le coma des enfants migrants

Selon les rapports médicaux, le jeune atteint de cette catatonie est totalement immobile, passif et sans tonus musculaire © France 2/Mélisande Films
Alice Kriescher Journaliste

Effrayante et fascinante, une énigme médicale frappe la Suède : des centaines de jeunes émigrés tombent en léthargie quand l’exil de leur famille est refusé. Ce mercredi à 23h55 sur France 2, le documentaire «Réveil sur Mars» s’y intéresse.

Des enfants issus de l’immigration tombant soudainement dans le coma et un mystère médical qui interroge depuis plus de vingt ans en Suède… Non, il ne s’agit pas du scénario de la dernière série Netflix, mais bien d’une vraie maladie psychique encore inexpliquée appelée «syndrome de résignation».

Héraut malgré lui

Un mercredi après-midi, Georgi, 9 ans, fils d’émigrés russes installés en Suède depuis quelques années, rentre de l’école. Au salon, son père l’attend, une lettre à la main. Comme il ne lit pas bien le suédois, il demande à son garçon, parfait bilingue, de la traduire. Au fil de sa lecture, Georgi comprend qu’il s’agit d’un courrier de refus du bureau d’asile.

Face à cette terrible nouvelle, une réaction étrange se produit chez le jeune. «Il dit que son corps a commencé à se liquéfier, que ses membres sont devenus mous et poreux. Il voulait simplement fermer les yeux. Même avaler sa salive lui semblait impossible», relate une journaliste du New Yorker qui a rencontré Georgi et sa famille. «Son frère Savl a essayé de lui faire ingérer du cola à la petite cuillère, mais le soda a coulé sur son menton.»

Georgi reste dans cet état végétatif durant neuf mois et en sort quelques semaines après l’obtention par ses parents d’un visa permanent.

Des cas par centaines

Des histoires comme celle de Georgi, il y en a des centaines en Suède et ce, depuis le début des années 2000. Le profil des enfants malades et le fait qu’ils se réveillent souvent lorsque leurs parents obtiennent le droit de rester sur le sol suédois a suscité la polémique. Certains ont accusé ces jeunes, entre 8 et 15 ans généralement, de feindre leur léthargie. N’en déplaise à ces esprits malveillants, le monde scientifique suédois a reconnu le syndrome de résignation comme un mal avéré.

«Longtemps perçue comme une ’maladie imaginaire’ pour faciliter l’obtention d’une résidence permanente en Suède, c’est désormais une pathologie reconnue. Les médecins ont prouvé, par exemple, que les enfants ne pouvaient pas simuler une non-réaction à la douleur», relate France Info.

Léthargie consciente

À leur réveil, certains enfants mettent beaucoup de temps à retrouver une existence normale et d’autres se réadaptent immédiatement.

«Une des protagonistes de mon film, s’était réveillée. En lui parlant, elle pouvait m’écouter, répondre à quelques mots, et elle a dit à son père qu’elle reconnaissait ma voix», raconte la réalisatrice du doc de France 2. «Ils sont presque enfermés dans leur corps et leur cerveau continue de fonctionner, ils continuent de penser et de savoir qu’autour d’eux, il y a leur famille, des amis et des connaissances, mais ils ne peuvent plus communiquer avec eux.»

Traumatismes profonds

Si les mécanismes précis du syndrome de résignation restent une énigme pour le monde médical, certaines hypothèses ont été avancées pour en expliquer l’origine. Selon le psychiatre américain Arash Javanbakht, spécialiste en syndromes de stress post-traumatiques interrogé par le site d’infos Brut, ces enfants, provenant généralement de pays où leur minorité ethnique est persécutée, ont été soumis à des expériences trop traumatisantes pour leur jeune esprit.

«Ils ont passé des années et des années, durant une période de jeunesse cruciale pour le développement, à vivre des expériences traumatisantes horribles. Beaucoup de ces enfants ont vu des gens assassinés, mutilés, des cadavres…»

Leur corps dit non

Une fois qu’ils sortent de cet enfer et arrivent sur le sol suédois, l’éventuel octroi d’un permis de séjour peut prendre entre trois et cinq ans. Les jeunes ont le temps de s’acclimater à ce pays, à la paix et à la sécurité qu’il procure. Apprendre la nouvelle d’une expulsion, devoir l’annoncer à leurs parents et la perspective de retourner dans un pays qui les persécute seraient insoutenables pour leur organisme et provoqueraient le syndrome de résignation.

Cet article est paru dans le Télépro du 9/12/2021

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