Survivalistes : la survie comme mode de vie
Partir «à la rencontre des survivalistes», telle est la proposition d’«Un monde à part» ce dimanche à 20h15 sur La Une. Perçus comme sectaires et paranos, ces adeptes du «struggle for life» font peur. À raison ?
Être survivaliste, c’est «se préparer à une catastrophe imminente», déclare Bertrand Vidal, sociologue à l’université Paul-Valéry de Montpellier et auteur de «Survivalisme» (éd. Arkhê). Théorisé dans les années 1960 aux États-Unis par Kurt Saxon, un membre du parti nazi américain, le concept apparaît dans un contexte de guerre froide et de menace nucléaire.
De l’extrême droite à la peur du futur
Aujourd’hui, l’appartenance à l’extrême droite est quasi unanimement rejetée par la majorité des survivalistes et «la peur est devenue économique et écologique», explique le sociologue. «Il s’agit désormais d’anticiper l’effondrement de notre système et d’apprendre à vivre en autonomie, en dehors du marché, et même dans un certain retour à la nature.»
Comment ? En ayant «recours à des outils, à des techniques pour survivre en dehors du confort et du monde». Pessimisme ou prévoyance ? Tentons d’y voir plus clair avec Joseph Bruyère, 31 ans, survivaliste depuis plusieurs années.
Quelle est votre définition du survivalisme ?
C’est une pulsion de vie. Pour reprendre les termes de Vol West, figure phare dans la sphère survivaliste francophone, c’est «devenir les acteurs de notre propre bien-être en construisant, en parallèle de notre société complexe et fragile, une manière de vivre moins dépendante», donc plus enracinée.
N’y a-t-il pas une forme de pessimisme dans l’idée d’anticiper le pire ?
Non, c’est de la prévoyance. C’est plutôt du bon sens de se dire qu’on ne veut plus être dépendant du système. En posant des actions concrètes, on peut ainsi accéder au bonheur, celui que l’on se crée. Comment ? En faisant un jardin potager, des réserves, en entretenant le lien social (avec ses voisins), en consommant local… C’est juste un retour à un mode de vie plus sain et cela rejoint une démarche écologique.
Comment expliquer, dès lors, que le survivalisme soit généralement mal vu ?
La vision actuelle du survivalisme est tronquée (armes, bunkers…). Surtout en ce moment… Depuis la crise covid, l’État augmente sa sphère d’influence bien au-delà de ce qu’il devrait, jusque dans notre vie privée. Ce désir d’autonomie est alors soit diabolisé, soit ridiculisé. L’objectif final étant de discréditer une démarche qu’on ne peut contrôler à 100 %, sans chercher à comprendre. Un pouvoir qui se durcit, comme on le vit maintenant, est symptomatique, historiquement, d’un pouvoir décadent. Je prépare l’avenir car il est incertain. Nos grands-parents et arrière-grands-parents, de par leur mode de vie, étaient des survivalistes. Ils faisaient des réserves, avaient un bas de laine, des outils qu’ils réparaient eux-mêmes. On a désappris tout cela car on vit dans une époque où l’état providence gère tout pour nous et on ne prend pas conscience que cela pourrait changer…
Le sociologue B. Vidal considère qu’«on est survivaliste en Occident, dans les pays développés» et pas «dans les zones de conflits». Pourquoi ?
C’est faux, les premiers survivalistes sont des gens qui n’ont rien, pour qui chaque jour est un défi. Le survivalisme n’est pas un hobby pour l’Européen «riche», c’est un état d’esprit. Qui s’applique dans tous les contextes !
Sur les réseaux sociaux, les survivalistes semblent se réjouir de cette crise…
Pas du tout. Les survivalistes qui attendent un effondrement dans un moment X est un cliché. Je considère que l’effondrement est un processus long, dans lequel nous sommes déjà, que ce soit au niveau politique, valeurs, ressources… Tout cela montre qu’on arrive à la fin d’un cycle. Le survivalisme permet de reprendre le contrôle de sa propre vie dans un contexte instable. C’est aussi une forme d’altruisme car, en cas de pénurie quelconque, on ne se bagarrera pas dans les magasins…
Cet article est paru dans le Télépro du 1/7/2021
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