Sport et mode : mariage fructueux, mariage heureux

Dans les années 1920, Suzanne Lenglen apparaît dans des tenues griffées par le couturier Jean Patou © Corbis via Getty Images
Alice Kriescher Journaliste

Avec des personnalités issues du milieu de la mode, comme Jean-Charles
de Castelbajac, et des sportifs pros, dont Djibril Cissé, découvrons comment
certains athlètes sont devenus des égéries fashion. Ce mercredi à 23h45, Arte diffuse le documentaire «En mode champions».

A priori, l’on pourrait penser que sport et mode sont deux univers qui n’ont pas grand-chose en commun. Pourtant, au plus tôt de leur histoire moderne, les sportifs ont rapidement fraternisé avec les couturiers, les premiers devenant des vitrines de choix pour les marques, les seconds mettant leur savoir-faire au service d’athlètes désireux de vêtements améliorant leurs performances.

Alliance centenaire

À la fin du XIXe siècle, alors que la notion de confort dans la mode commence à s’installer pour de bon, les années 1910, suivies des Années folles, érigent définitivement la silhouette élancée et sportive en modèle à suivre. Les couturiers de l’époque ne s’y trompent pas et, dès 1913, Gabrielle Chanel ouvre un département «sport» à Deauville. En 1921, la championne de tennis Suzanne Lenglen offre aux spectateurs venus la voir sur les courts de Wimbledon l’impact saisissant de son jeu offensif, le tout dans des vêtements griffés Jean Patou, couturier et créateur de parfum français. La tenue est révolutionnaire pour l’époque : la jupe plissée s’arrête au genou, le chandail laisse apparaître ses bras et, dans ses cheveux, le bandeau a remplacé le traditionnel chapeau. «So shocking» soit-il, le look plaît, particulièrement à la gent féminine.

Dès l’année suivante, Jean Patou lance une gamme de vêtements destinés au sport et au plein air. Libérés de vêtements encombrants, les sportifs, et plus encore les sportives, peuvent enfin pratiquer leur discipline dans des tenues adaptées à l’effort physique. La décennie suivante est marquée par un polo et un crocodile qui survivront jusqu’à nos jours, ceux de René Lacoste. «Ce sont les débuts du sportswear, un terme que l’on voit apparaître dans les revues de l’époque», indique Marthe Mabille dans Vogue. Le vêtement sportif quitte le vestiaire des professionnels pour entrer dans les dressings de Monsieur et Madame Tout-le-Monde.

Et Jane fonda le lycra

Dans les années 1960, le prêt-à-porter adoube les matières synthétiques. Les États-Unis, comme souvent, donnent le ton : le nouveau chic, c’est le décontracté. Entre 1970 et 1990, footing et fitness deviennent des sports de plus en plus pratiqués et, à l’image de leurs idoles, les sportifs amateurs veulent soigner leur look. Baskets, jogging et autres indispensables de la tenue sportive s’imposent dans la rue. «C’est au tour du lycra de faire son entrée dans les salles d‘aérobic où les femmes font à l‘unisson des enchaînements sportifs, à l‘instar du Jane Fonda’s Workout», poursuit-on dans Vogue. «Toutes ces matières infusent peu à peu la mode.»

En 2001, les frontières entre stylisme et sport sont définitivement gommées par la collaboration entre le créateur japonais Yohji Yamamoto et Adidas. Pour présenter sa collection automne-hiver, le couturier fait appel à la marque aux trois bandes qui lui fournit des prototypes inédits, c’est la première fois que les deux mondes défilent réellement ensemble. Le show de Yamamoto remporte un tel succès qu’Adidas décide de mettre le modèle utilisé en vente : pari gagnant, les chaussures s’arrachent. L’union entre le couturier et l’équipementier s’officialise par la création d’une marque commune, Y39.

Médaille d’Or
du business

Dans la suite des années 2000, longtemps après le basketteur Michael Jordan, qui avait collaboré en 1984 avec Nike pour créer ses célèbres sneakers, d’autres stars du sport vont être courtisées par de grandes marques, de luxe ou non. H&M s’offre David Beckham en sous-vêtements, Louis Vuitton rassemble deux collègues rivaux, Lionel Messi et Cristiano Ronaldo, tandis qu’au Met Gala 2019, Serena Williams foule le tapis rouge en robe Versace et… baskets Nike x Off-White jaunes. «Les podiums se mêlent et se confondent, laissant la liberté aux athlètes de disputer leur course parées de faux ongles fluos comme de devenir des icônes de mode défilant pour les créateurs en vogue», explique Marthe Mabille. Une activité parallèle qui rapporte gros aux sportifs, même lorsqu’ils ne pratiquent plus leur discipline… En 2023, alors retraité, Roger Federer figurait toujours dans le top 10 des sportifs les mieux payés avec 95 millions d‘euros engrangés uniquement avec ses différents partenariats, dont Rolex.

Cet article est paru dans le Télépro du 4/7/2024

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