Solitude et métamorphose

Notre cerveau a un besoin naturel de contact social (image extraite de l'émission «Matière grise» de la RTBF) © RTBF
Aurélie Bronckaers
Aurélie Bronckaers Journaliste

La solitude altère le comportement, fait grossir le cerveau et favorise l’introspection.

Confinement, quarantaine, pandémie… le quotidien des Belges n’a pas été de tout repos ces derniers mois. Selon la sixième enquête de santé covid-19 de Sciensano, près d’un tiers de la population adulte connaît un sentiment d’isolement important dû aux mesures anticoronavirus. Mais la solitude a un effet négatif sur la santé et sur nos cellules grises, comme le dévoile «Matière grise» mercredi à 22h55 sur La Une.

«Réseau cérébral par défaut»

La solitude fait grossir le cerveau ! Une récente étude organisée par l’université McGill, au Canada, a récolté des informations sur des dizaines de milliers de personnes souffrant de solitude. Résultat : le cerveau humain développe le «réseau cérébral par défaut», régions de l’encéphale associées à l’imagination, aux souvenirs, à la planification, à la visualisation et aux pensées dirigées vers autrui.

«Contre toute attente, les connexions sont plus intenses dans ce réseau et la substance grise y est plus volumineuse», écrivent les chercheurs.

Introspection

«En l’absence d’expériences sociales désirées, les personnes qui se sentent seules ont tendance à intérioriser leurs pensées, notamment en se rappelant des événements ou en imaginant des interactions sociales fictives», explique le chercheur Nathan Spreng, de l’Institut-Hôpital neurologique de Montréal et auteur principal de l’étude. «Nous savons que ces capacités cognitives sont assurées par les régions du réseau cérébral par défaut. Cette introspection exacerbée et la représentation mentale d’expériences sociales font naturellement appel aux fonctions du réseau par défaut associées à la mémoire.»

La solitude laisse donc en quelque sorte une «signature» reconnaissable sur le cerveau…

Perte de contrôle

Le rejet social entraîne de nombreux comportements et changements chez l’humain. Moult études ont démontré que ces personnes s’expriment violemment, sont en échec scolaire ou trouvent réconfort dans l’alcool. Des chercheurs des Universités de Géorgie et de San Diego State ont étudié l’exclusion sociale. Verdict : elle peut mener à «des changements dans le fonctionnement du cerveau, notamment sur ses performances, et influencer les décisions et la maîtrise de soi.»

Santé publique

Le monde scientifique n’a pas attendu une crise sanitaire mondiale pour s’intéresser à l’impact de la solitude sur le corps humain. C’est un véritable problème de santé publique ! «La solitude n’altère pas seulement le comportement, mais apparaît aussi lorsque l’on mesure les hormones de stress, l’immunité et la fonction cardiovasculaire», souligne John Cacioppo, neuroscientifique de l’Université de Chicago. «Au fil du temps, ces changements physiologiques s’aggravent de telle façon qu’ils précipitent des millions de gens dans leurs tombes.»

En effet, «les personnes ayant des relations sociales fortes ont une probabilité de survie accrue de 50 % sur une période donnée, par rapport à celles qui ont des liens sociaux plus faibles», informe le magazine Wired. Les travaux de Julianne Holt-Lunstad, psychologue, comparent la solitude chronique à la consommation de quinze cigarettes par jour. Elle serait donc pire que l’obésité et la consommation excessive d’alcool.

Cet article est paru dans le Télépro du 20/1/2022

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