Société : quelle époque violente !
On se dit souvent que notre monde est violent… Or l’humanité vit la période la plus pacifique de son histoire ! Étrange paradoxe.
Quelle violence ! C’est ce qu’on pense tous les jours en regardant les JT. À Gaza, à Donetsk… Mais aussi dans les stades, les banlieues ou les écoles. Notre monde semble de plus en plus violent. À l’extrême droite, certains évoquent même un «ensauvagement» de la société. Or les statistiques montrent exactement le contraire : nous vivons dans l’ère la plus pacifique de l’humanité. Pourquoi une telle distorsion entre nos perceptions et le réel ? C’est le paradoxe de la violence. Un sujet passionnant à découvrir sous le regard de la science, ce mercredi à 23h sur La Une, dans «Matière grise».
Les temps barbares
La violence est une histoire ancienne. Très ancienne. Les Étrusques ou les Incas organisaient des sacrifices humains, les Romains se régalaient des combats de gladiateurs, la conquête de nouveaux mondes s’est faite dans le sang, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont été réduits à l’esclavage, on a longtemps fait la chasse aux sorcières, la torture était légale, la peine capitale partout appliquée…
Il n’y a pas si longtemps, on pouvait encore régler un conflit personnel en tuant son adversaire devant témoins dans un duel. Aujourd’hui, tout cela nous semble complètement barbare. Pourquoi cette violence jadis normale est-elle désormais impensable ? Précisément parce que les normes ont changé.
Hors norme
Le processus de civilisation s’accompagne d’une maîtrise progressive de la violence. Au départ, l’homme est un animal comme les autres. Il est agressif dès qu’il se sent agressé et capable de tuer pour sa survie. C’est la loi de la jungle. Mais au fur et mesure que les sociétés s’organisent, la liberté de l’un s’arrête là où commence le respect de l’autre. L’homme doit donc peu à peu apprendre à maîtriser ses pulsions. Notamment sa violence.
Dans le même temps, l’État s’attribue le monopole de la justice : chacun ne règle plus ses comptes comme il l’entend. La religion s’en mêle également : tu ne tueras point. D’autres facteurs vont dans le même sens. Ainsi l’invention de l’imprimerie, la diffusion de la littérature et le succès du roman auraient permis, en nous projetant dans d’autres vies, de renforcer considérablement notre capacité d’empathie. Tous ces éléments surajoutés créent un cercle vertueux qui exclut peu à peu la violence de la norme.
Sous nos yeux
Les chiffres le prouvent. Prenons ceux des homicides volontaires. En 2021, la Belgique en recense 125. Soit 1 homicide volontaire pour 100.000 habitants. Les comparaisons belgo-belges sont compliquées (notre pays est trop jeune), mais il est raisonnable de travailler avec les données françaises. Les historiens estiment que le taux d’homicides volontaires était de 10 pour 100.000 habitants entre 1600 et 1650, 50 pour 100.000 au Moyen Âge et 500 pour 100.000 durant la préhistoire. En clair : on a 500 fois moins de risques de se faire trucider à Liège ou Bruxelles aujourd’hui que devant la grotte de l’homme de Spy.
La faute aux médias
Alors, pourquoi avons-nous l’impression que la société est de plus en plus violente ? La faute aux médias. On parlait peu de l’Ukraine quand elle vivait tranquille, on la voit quotidiennement à feu et à sang depuis deux ans. C’est évidemment le boulot des médias d’actualité et, a fortiori, des chaînes d’info en continu.
Ajoutez à cela les nouveaux médias auxquels nous sommes hyperconnectés. Et leurs algorithmes qui, chaque fois que nous visionnons une scène violente, nous suggèrent d’autres scènes violentes… Si le monde est moins violent qu’auparavant, la violence du monde est sous nos yeux à chaque instant.
Cet article est paru dans le Télépro du 18/4/2024
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