Smartphones, la culture du secret
En sillonnant la France et la Belgique, Hugo Clément tente de lever le voile sur les secrets inavouables de nos smartphones. À voir ce lundi à 21h sur France 5 dans «Sur le front».
Il y a seulement vingt-cinq ans, acheter un téléphone portable constituait un événement. Aujourd’hui, ne pas en posséder est perçu comme une bizarrerie. Nous nous permettons même de délaisser un appareil parfaitement fonctionnel pour acquérir la nouvelle génération. À quel prix pour la planète ?
Omerta industrielle
Alors que nous sommes des milliards à les utiliser au quotidien, il est particulièrement difficile d’avoir une idée précise des dégâts environnementaux causés par nos portables. Pour plusieurs raisons, dont le manque de transparence de la part d’entreprises comme Samsung ou Apple. «Les grands groupes ne divulguent pas ces données», explique Françoise Berthoud, chercheuse au CNRS, dans les pages du Monde. «Ils apparaissent parfois sur EcoInvent (une base de données sur le bilan environnemental des portables, entre autres, ndlr), mais seulement dans des moyennes où leur nom n’est pas indiqué.»
Dans ce flou industriel, il est cependant possible d’estimer avec plus ou moins de justesse le bilan carbone d’un téléphone portable. Sans surprise, la note n’est pas glorieuse. Selon les études les plus récentes, pas moins de 70 matériaux différents, dont une cinquantaine rares, donc difficile à exploiter, sont nécessaires à l’élaboration d’un smartphone. Une extraction qui pollue à la fois l’air, l’eau et les sols. Enfin, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), avant de se retrouver dans notre main, notre téléphone fait en moyenne quatre fois le tour de la planète.
Paysage bétonné
Si le fait de regarder une vidéo en streaming nous apparaît comme une action immatérielle, contenue dans le fameux «cloud», la réalité est tout autre. Pour s’en rendre compte, il nous faut d’abord plonger dans les fonds marins. Nos données numériques voyagent entre les continents grâce à des câbles sous-marins. Ils traversent les océans et arrivent directement sur nos plages.
Un des derniers en date relie une plage vendéenne à la côte américaine. «Il n’est pas installé par un État ou pas un opérateur public, mais par Google ! Facebook, Amazon et Microsoft investissent eux aussi dans ces installations qui quadrillent nos océans», détaille Hugo Clément dans le documentaire. Autre preuve physique de l’impact de notre consommation en ligne, les datas center. Comprenez, des bâtiments gigantesques qui regroupent l’ensemble des installations informatiques chargées de stocker et de distribuer les données qui nous permettent de «naviguer».
Google en possède cinq sur le sol belge, un sixième, en bord de Sambre, devrait voir le jour. Et, si l’on en croit Hugo Clément, il n’y a pas de quoi se réjouir. «En France, il y en a déjà 250 sur tout le territoire et ils consomment deux fois plus que l’intégralité de l’éclairage urbain de tout le pays ! Ces data centers génèrent beaucoup de chaleur. Pour les refroidir, l’un d’entre eux a même dévié un canal souterrain sur plusieurs kilomètres pour récupérer de l’eau.»
Éthique possible ?
Une situation qui semble assez alarmante sur le plan écologique, d’autant plus que, pour beaucoup d’entre nous, il est exclu de se passer d’un téléphone portable. Alors, comment procéder pour surfer la conscience plus ou moins tranquille ? Soyons honnêtes, la solution miracle n’existe pas encore.
Néanmoins, pour réduire cet impact environnemental, il est évidemment conseillé de réparer son téléphone plutôt que d’être prompt à le remplacer, de le recycler lorsqu’il est irrécupérable ou de se tourner vers des téléphones moins complexes et plus «équitables», à l’instar de la marque FairPhone.
En chiffres
- Près des trois quarts des personnes de plus de 10 ans ont, en 2022, un téléphone portable.
- On estime que 5,3 milliards de personnes, soit 66 % de la population mondiale, utilisent Internet.
- Selon les chiffres de l’Union internationale des télécommunications, 95 % des personnes dans les pays riches ont un portable, contre 49 % dans les pays défavorisés.
Cet article est paru dans le Télépro du 8/12/2022
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