Simon Leys : le Belge qui a dénoncé pour la première fois Mao

Simon Leys, alias François Ryckmans © RTBF/Jeanne Ryckmans

En 1971, alors que le maoïsme est en vogue, Simon Leys est le tout premier à dénoncer les crimes de Mao Zedong.

Il a été traîné dans la boue. Il a été accusé de tous les crimes. Alors qu’il était simplement le premier homme parlant chinois, lisant le chinois, ayant fréquenté la Chine, qui osait raconter ce qui se passait là-bas…», explique Amélie Nothomb à propos de Simon Leys (1935-2014). Elle était gamine quand elle l’a croisé à Pékin. Il venait de publier le tout premier livre dénonçant Mao et le maoïsme. Ce samedi à 20h30 sur La Trois, «Retour aux sources» revient sur l’histoire de «Simon Leys, l’homme qui a déshabillé Mao».

Simon alias Pierre

Simon Leys est né Pierre Ryckmans – homonyme de son oncle, à l’époque Gouverneur général du Congo. Le garçon étudie le droit et l’histoire de l’art à Louvain quand, en 1955, il est choisi pour faire partie d’une délégation de dix jeunes Belges invités par le gouvernement de Pékin à découvrir la Chine. Pierre Ryckmans a 20 ans. Il tombe amoureux du pays, de sa culture et même de son régime maoïste. De retour en Belgique, il se lance dans l’étude de la langue et de la calligraphie chinoises. Le jeune homme termine son cursus à Taïwan en 1962, puis s’installe à Hong Kong, qui est alors une colonie britannique.

Très vite marié et quatre fois papa, Ryckmans multiplie les petits boulots. Comme il parle et lit couramment le chinois, le consulat de Belgique le charge de faire une veille de la presse chinoise.

Le vrai visage de la Chine

Depuis 1966, Mao Zedong a lancé sa Révolution culturelle. Mais peu à peu, le pays sombre dans le chaos et la guerre civile. En lisant la presse chinoise, Pierre Ryckmans comprend que les populations sont terrorisées, affamées, massacrées. C’est aussi ce dont témoignent les migrants chinois qui arrivent vivants à Hong Kong. Tout cela est très loin de l’image idyllique que l’Europe a alors du maoïsme.

Pierre Ryckmans décide donc de rassembler documents et témoignages dans un livre qui décrit le vrai visage de la Chine : «Les Habits neufs du président Mao. Il y explique que la Révolution culturelle n’est ni culturelle ni prolétarienne. C’est un coup politique de Mao pour s’assurer un pouvoir absolu en éliminant tous ceux qu’il considère comme des «contre-révolutionnaires».

Les images de Tian’anmen

«Les Habits neufs du président Mao» est publié à Paris en 1971. C’est le premier ouvrage à informer sur la Chine de Mao, deux ans avant que Soljenitsyne dénonce l’URSS dans «L’Archipel du goulag». À l’époque, ces pamphlets sont accueillis avec condescendance par l’intelligentsia parisienne, où il est de bon ton d’être communiste et singulièrement maoïste. Le livre du Belge est raillé. On l’accuse de propager des mensonges fabriqués par la CIA.

Ryckmans s’y attendait… C’est pour cette raison qu’il s’est choisi un pseudo. Également pour ne pas nuire aux fragiles relations belgo-chinoises. D’autant qu’en 1972, il est nommé attaché culturel à l’ambassade belge de Pékin, aux côtés de Patrick Nothomb – le papa de la petite Amélie. Mais la vie en Chine communiste lui est rapidement insupportable. Il décide alors de s’installer en Australie, d’où il poursuivra son activité de sinologue, jusqu’à son décès en 2014.

Il faudra attendre 1989 et les massacres de la place Tien’anmen pour que le monde commence à comprendre que Pierre Ryckmans avait raison. À propos de Tian’anmen, il dira : «Rien de neuf dans cette révolution sanglante. Sauf qu’il y avait des caméras pour que le monde la voie.»

Cet article est paru dans le Télépro du 16/5/2024

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