Scandale en Irlande : les bébés du péché
Pendant des décennies, des milliers d’enfants ont été arrachés aux filles-mères irlandaises, avec la complicité du clergé, et livrés à l’adoption. Voire bien pire… Ce dimanche à 17h20 sur Arte, découvrez l’histoire de Philomena Lee dans le documentaire «D’après une histoire vraie».
Noël 2003. Philomena Lee, 70 ans, célèbre le réveillon en famille. Un peu éméchée, elle avoue à ses enfants son douloureux secret : quelque part, ils ont un frère aîné… Orpheline de mère à 6 ans, Philomena est envoyée dans un couvent pour poursuivre sa scolarité. À 18 ans, lors d’une foire, elle rencontre un homme, il lui offre une pomme d’amour et une chose en entraînant une autre…
Philomena, ignorante en matière d’éducation sexuelle, tombe enceinte. Dans l’Irlande ultraconservatrice du milieu du XXe siècle, concevoir un bébé hors mariage est un terrible scandale. La jeune fille est envoyée à l’abbaye de Sean Ross, à Roscrea, dans le comté de Tipperary.
Abandon forcé
Le 5 juillet 1952, sans médecin ni antidouleur, elle donne naissance au petit Anthony. Sous l’œil sévère des religieuses qui leur rappellent constamment qu’elles ont commis un péché mortel, les jeunes mamans travaillent sans relâche à l’entretien de l’abbaye. Et ne profitent qu’une heure par jour de leur bébé. Le seul moyen pour elles de quitter ce lieu ? L’adoption de leur enfant.
C’est pour adopter une petite fille que Marge Hess arrive à Sean Ross. Mais elle ne peut se résoudre à l’éloigner d’Anthony, les bambins étant inséparables. Philomena est contrainte de signer un document sans pouvoir le lire. En une seconde, elle vient d’abandonner son fils de 3 ans et de renoncer à le rechercher. Anthony, renommé Michael, s’envole pour les États-Unis. Comme 96 % des enfants adoptés à Sean Ross.
Secret honteux
Philomena déménage en Angleterre, devient infirmière, se marie et a des enfants. Mais l’Irlandaise se souvient, en silence. Jusqu’à ce fameux soir de 2003. Bouleversée par son récit, sa fille contacte un journaliste, Martin Sixsmith, dans l’espoir qu’il les aide à retrouver ce frère disparu.
Rapidement, il découvre que cette histoire est loin d’être un cas isolé. «Philomena n’était qu’une des milliers de femmes envoyées dans des couvents (…) parce que l’Église catholique romaine avait déclaré que les mères célibataires étaient des dégénérées morales», écrit-il dans le Daily Mail. Et l’histoire est encore plus sombre…
Enquête glaçante
«Je m’excuse pour le tort générationnel profond infligé aux mères irlandaises et à leurs enfants qui se sont retrouvés dans un foyer pour mère et enfant.» Début janvier 2021, au lendemain de la publication d’un rapport de 3.000 pages, fruit d’une enquête de cinq ans, Micheál Martin, Premier ministre irlandais, présente des excuses historiques.
En 2014, l’historienne Catherine Corless a découvert que sur près de 800 enfants décédés dans l’ancien foyer catholique de Tuam, un seul a bénéficié d’une sépulture chrétienne. Les autres n’ont eu droit qu’à une fosse commune. L’indignation suscitée permet l’ouverture d’une Commission d’enquête.
Au cours de la période 1922-1998, 57.000 bébés sont nés dans les dix-huit centres étudiés. 9.000 d’entre eux ont perdu la vie. Soit un affolant taux de mortalité de 15 %. L’enquête a aussi révélé que des essais de vaccins y avaient été réalisés.
Pas assez
Les excuses ne satisfont pas tout le monde. Certaines survivantes, dont Philomena, ont entamé des procédures judiciaires contre le Gouvernement. Estimant être identifiables dans le rapport, elles auraient dû bénéficier d’un droit de réponse avant sa publication. Mais en ont été privées. Elles reprochent notamment au rapport de prétendre que leur internement, leur travail et l’adoption de leur enfant n’ont pas été faits sous la contrainte.
Cet article est paru dans le Télépro du 30/6/2022
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