Sara Mardini : de réfugiée à sauveteuse

Désormais, tout le monde a peur de mener des opérations de sauvetage, dénonce Sara Mardini © Arte/SWR/DOCDAYS Productions/Zamarin Wahdat
Stéphanie Breuer Journaliste

Vingt-cinq ans de prison ! C’est ce que risque la nageuse syrienne Sara Mardini pour avoir secouru des migrants à Lesbos. Ce mercredi à 23h30, Arte diffuse le documentaire «Sara Mardini. Nager pour l’humanité».

«Ce n’est pas du sang qui coule dans mes veines, c’est de l’eau», confie Sara Mardini dans le documentaire qui lui est consacré mercredi sur Arte.

Née en 1995 à Damas, cette jeune Syrienne est issue d’une famille d’athlètes. Son père est entraîneur de natation. «À 5 ans, j’ai appris à nager et j’ai ensuite grandi dans une piscine», raconte-t-elle. Du moins, jusqu’à ce que celle-ci soit bombardée !

En 2015, Sara, 20 ans, et sa sœur Yusra, 17 ans, décident de fuir la guerre civile qui ravage leur pays. Elles rejoignent Beyrouth, Istanbul, puis Izmir, avant d’embarquer pour la Grèce.

Au cours de la traversée en Méditerranée, leur embarcation tombe en panne et se met à couler. La plupart des réfugiés à bord ne savent pas nager. Sara et Yusra sautent à l’eau, poussent le bateau et, au bout de plusieurs heures de nage, atteignent le rivage de Lesbos. L’histoire de ces deux sœurs nageuses, qui ont sauvé la vie de dix-huit personnes, fait le buzz et inspire même le film Netflix «Les Nageuses».

Arrêtée à Lesbos

Installées à Berlin, la cadette y poursuit ses entraînements de natation – elle participera même aux JO de Rio en 2016 et de Tokyo en 2021 -, avant de devenir ambassadrice de bonne volonté du HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés), tandis que l’aînée, blessée au dos, cesse de nager.

À l’automne 2016, Sara décide de retourner à Lesbos comme volontaire dans une organisation humanitaire. «Je suis passée de réfugiée à sauveteuse», dit-elle. «J’ai découvert des choses dont je ne me savais pas capable, j’ai découvert la guerrière en moi.»

En Grèce, elle se rend tous les soirs sur la plage pour donner de l’eau et des couvertures aux réfugiés et leur servir d’interprète. Mais, un soir d’août 2018, elle est arrêtée, avec son collègue allemand Seán Binder. Comme eux, d’autres travailleurs humanitaires sont arrêtés en Europe pour avoir aidé des gens en détresse. Pour les gouvernements, la présence de volontaires sur les plages encouragerait les migrants illégaux.

«Utiliser la noyade comme outil pour arrêter la migration, c’est insensé, mais c’est aussi immoral», déplore Seán Binder. Sara est incarcérée dans une prison d’Athènes. Elle y passe 107 jours, avant d’être libérée sous caution. Soutenue par Amnesty qui dénonce un exemple typique de criminalisation de l’action humanitaire, elle est inculpée de trafic d’êtres humains et d’appartenance à une organisation criminelle.

En janvier, comme pour la vingtaine de co-accusés, les charges, passibles de 25 ans de prison, sont abandonnées, mais le parquet a fait appel de la décision… Pourtant, «la solidarité n’est pas un crime», continue-t-elle de clamer.

Cet article est paru dans le Télépro du 15/6/2023

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