San Francisco : recherche maison bleue, désespérément

Au-delà des clichés, la ville masque une cruelle réalité... © RTBF/Cat & Cie

Ce lundi à 22h05 sur La Trois, un documentaire nous emmène à «San Francisco, capitale du monde 3.0».

À San Francisco, les loyers explosent. L’image de la ville tolérante et ouverte des années 1970 aussi. Mais où est donc la maison bleue suspendue à la colline ? Celle de la chanson de Maxime Le Forestier en 1972. À l’époque, on venait à San Francisco pour s’enlacer et rouler dans l’herbe, pour écouter Tom à la guitare et Phil à la quena.

Depuis l’époque «peace and love», celle où San Francisco s’allumait, le temps a passé. Ceux qui vivaient là sont partis et la clé qu’ils avaient jetée, d’autres locataires bien différents l’ont récupérée.

Le côté face

Aujourd’hui, impossible de parler de San Francisco sans évoquer la Silicon Valley, «La Mecque des nouvelles technologies» comme elle est souvent surnommée. Située à une quarantaine de minutes en voiture de la ville, c’est là que bat le cœur des plus grandes entreprises du secteur, près de 6.000 sociétés aux premiers rangs desquelles on trouve les fameux GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft).

Selon les dernières statistiques (2019), «3,1 millions de personnes habitent la région et le salaire moyen (près de 140.000 dollars par an) a progressé de 6,8 %». Salaires faramineux, bonus, stock-options : il n’y aurait cependant pas que l’aspect financier qui attire les meilleurs développeurs de la planète. Les entreprises rivalisent d’ingéniosité pour les appâter. À côté de la promesse de travailler dans un secteur où le chômage frise le niveau zéro, d’horaires flexibles, de salles de jeux et de jus détox offerts, d’autres perles existent.

La journaliste en ligne Klervi Drouglazet en enfile quelques-unes sur Linkedin. Chez Netflix par exemple, les jeunes parents salariés ont droit à des congés parentaux illimités pour s’occuper de leur nouveau-né. Ils touchent 55 % de leur salaire pendant six semaines. Google a opté pour les terrains de beach-volley, quant à Zynga, l’éditeur du jeu «Farmville», il s’est tourné vers les massages, l’acupuncture et… l’assurance pour les animaux de compagnie, que ses employés peuvent par ailleurs emmener avec eux sur leur lieu de travail. Que du bonheur !

Le revers de la médaille

Autre élément mis en valeur par les statistiques concernant la Silicon Valley : la progression des salaires est annulée par la hausse du coût du logement et de la vie. Selon le quotidien britannique The Guardian, le boom des entreprises de hautes technologies et la pénurie de logements ont entraîné une envolée des loyers. Entre 40 et 50 % des (plantureux) salaires des cadres supérieurs partiraient dans le loyer de leur logement, à proximité de leur lieu de travail.

Autres options possibles pour ceux qui n’ont pas de revenus à six chiffres : la colocation (à douze dans certains cas) ou la vie dans un box de garage… Conséquence de cette situation : la classe moyenne est contrainte d’aller habiter en dehors de la ville. Selon les statistiques fédérales : «À moins de 117.400 dollars de revenus annuels, un foyer de quatre personnes à San Francisco est considéré comme « à faibles revenus ».» Les loyers ont baissé de 10 % ces derniers mois à San Francisco, mais ils restent les plus élevés des États-Unis (plus de 3.000 € ).

«Dans une ville où l’on essaie de découvrir le secret de la vie éternelle, les sans-abris continuent de mourir dans les rues», annonce le réalisateur de «San Francisco capitale du monde 3.0» diffusé lundi soir sur La Trois. Ce n’est pas l’unique revers de la médaille dorée. Sexisme and Cie «Pinterest règle un procès pour discrimination sexuelle pour 22,5 millions de dollars.»

Mi-décembre, ce gros titre barre la une de plusieurs journaux. C’est l’ancienne directrice générale de Pinterest qui en est à l’origine. Elle estimait avoir été discriminée par son employeur en raison de son sexe. Elle a obtenu gain de cause. Un événement révélateur du climat sexiste qui règne dans le secteur des nouvelles technologies. Grâce aux nombreux témoignages qu’elle reprend dans son livre «Brotopia», Emily Chang met en évidence la culture machiste qui règne dans de nombreuses entreprises de la Silicon Valley, «un secteur où le harcèlement et la discrimination sont aussi normalisés qu’effarants : 25 % des emplois informatiques reviennent aujourd’hui à des femmes, contre 36 % en 1991». Pauvreté, sexisme, racisme aussi… Où êtes-vous Lizzard et Luc ? Votre maison bleue a bien changé.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 31/12/2020

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici