Sacrifiés sur l’autel de la médecine traditionnelle

Le totoaba est menacé pour ses pseudo-vertus médicinales © Getty Images
Alice Kriescher Journaliste

Ce lundi à 21h sur France 5, «Planet Killers» se penche sur le trafic du totoaba, un poisson en voie de disparition qui aurait, selon la médecine traditionnelle chinoise, des vertus miraculeuses.

Si la médecine traditionnelle chinoise repose sur des principes d’harmonie entre l’homme, son enveloppe corporelle et le monde extérieur, elle possède aussi un versant plus sombre, celui de l’exploitation des animaux. Décryptage.

Tradition d’État

Loin d’être tombée en désuétude, la médecine traditionnelle chinoise représente un marché qui pèse des milliards et est «en augmentation de 11 % par an, depuis l’arrivée au pouvoir, en 2013, de Xi Jinping, fervent défenseur de la pratique», détaille le National Geographic. L’Organisation mondiale de la santé a même apporté un certain crédit à cette médecine vieille de plus de 3.000 ans en ouvrant, entre autres, le Centre mondial de médecine traditionnelle, en Inde, afin de «maximiser le potentiel des médecines traditionnelles grâce à la science et à la technologie modernes». Une démarche pas inintéressante en termes d’ouverture d’esprit, mais qui inquiète les organismes de défense des animaux. À juste titre, selon une étude menée par le groupe philanthropique ADM Capital Foundation : «Trois quarts des ventes de produits issus de la faune en danger d’extinction des cinq dernières années étaient destinés à l’industrie de la médecine traditionnelle chinoise.»

Prendre des vessies pour des médicaments

Surnommé «cocaïne de la mer» en raison de son prix qui peut dépasser les 20.000 dollars du kilo, la population du totoaba, grand poisson argenté endémique du golfe de Californie, a diminué de 95 % en moins d’un siècle. Son atout malheureux ? Sa vessie. Consommée notamment en ragoût, cette dernière stimulerait le système immunitaire. Dans ce braconnage massif pour les vessies natatoires du totoaba, une victime collatérale : le marsouin vaquita. Ce cétacé, le plus rare du monde, se retrouve très fréquemment pris au piège des filets destinés au totoaba. Malgré ce constat, en mars 2022, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction a autorisé la reprise du commerce de totoabas, interdit depuis cinquante ans, avec neuf voix pour, dont celle de la Belgique, et six voix contre.

Âne sous haute protection

Après les tigres dont les os seraient un puissant aphrodisiaque ou les rhinocéros dépossédés de leurs cornes qui seraient un miracle contre le cancer, c’est aux ânes d’être dans le viseur des croyances de la médecine traditionnelle chinoise. Le phénomène est encore relativement peu connu et pourtant, la population de ces équidés aurait diminuée de 30 % en Afrique du Sud. Partie de l’animal convoitée ? Sa peau. «L’ejiao est une mixture mystérieuse obtenue à partir de la peau d’âne, utilisée en médecine chinoise pour traiter l’anémie, l’insomnie et les problèmes de libido», détaille-t-on sur France Inter. «Un marché à plusieurs millions de dollars en Asie. Vendu 340  e le kilo en Chine.»

Te bile pas ?

Enfermés dans de minuscules cages pour les empêcher de bouger pendant qu’une sonde prélève le liquide produit par leur vésicule biliaire… Voici le sort réservé aux ours, dont la bile préviendrait les problèmes de foie, les hémorroïdes et calmerait la fièvre. En Chine, de nombreuses «fermes d’ours» existent encore puisque la vente de leur bile, estimée à 600  e le kilo, y est légale.

Hippocampe hyper prisé

Dans l’univers de la pharmacopée chinoise, l’hippocampe séché tient une place importante. Ingrédient miracle, il stimulerait la virilité et, grosso modo, soignerait à peu près tout, de l’asthme à l’incontinence. Alors que «la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) comprend toutes les espèces d’hippocampus (…), la pêche commerciale prélève au moins 76 millions d’hippocampes par an», indique le National Geographic.

Cet article est paru dans le Télépro du 30/3/2023

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