Ruée mortifère vers le cobalt

Image extraite du documentaire diffusé ce mercredi sur La Une © RTBF
Alice Kriescher Journaliste

Ce mercredi à 20h25 sur La Une, le documentaire «Cobalt, l’envers du rêve électrique» revient sur la face sombre de la production de cobalt, en République démocratique du Congo.

La crise énergétique est définitivement en marche sur le sol européen. Pour y faire face, nombreux sont ceux qui prônent le passage à la voiture électrique. Problème : les batteries de ces véhicules sont gourmandes en cobalt, un métal proche du fer. Pour dénicher cette matière, la terre promise est le Congo. Une richesse qui ne profite pas à la nation et encore moins aux travailleurs locaux.

Et le cobalt fut

Durant l’Antiquité, le cobalt est particulièrement apprécié pour sa capacité à teinter le verre d’un bleu sombre. En 1735, Georg Brandt, un minéralogiste suédois, en réussit l’extraction. Durant le XIXe siècle, le célèbre «bleu de Sèvres» est obtenu grâce au cobalt. Avant la Belle époque, on découvre, qu’allié au fer et à l’acier, il permet d’accroître la dureté des matériaux. En bref, durant quelques siècles, le cobalt vit une vie de métal somme toute tranquille.

Jusqu’à nos jours et la découverte d’un autre atout de taille : grâce à lui, une batterie peut stocker de l’énergie sans surchauffer. À l’ère des smartphones, des tablettes, des PC portables et des voitures électriques, les yeux de tous les industriels se tournent alors rapidement vers le Congo, qui dispose de plus de 60 % des réserves mondiales de ce nouvel or bleu.

Coût humain

Le cycle est tristement connu : une nouvelle technologie engendre de nouveaux besoins, qui engendrent, souvent, de nouvelles déviances en matière de droits de l’homme. Dans l’affaire du cobalt, les victimes sont ceux que l’on appelle «les creuseurs», soit des mineurs qui travaillent de manière totalement artisanale, au péril de leurs vies. En RDC, pas moins de 200.000 creuseurs s’activent ainsi pour satisfaire les besoins mondiaux en cobalt.

«Dans chaque maison, les habitants creusent parfois jusqu’à 60 m de profondeur à mains nues pour trouver ce désormais précieux cobalt», relate la Radio Télévision Suisse. «Et les accidents sont nombreux, provoqués par des éboulements ou en raison des intoxications dues au confinement.»

En 2016, Amnesty décide de se pencher sur la problématique. Le constat de l’enquête est terrible, «des enfants ont raconté qu’ils travaillent jusqu’à 12 heures par jour dans les mines, transportant de lourdes charges, pour gagner entre 1 et 2 $ par jour. Selon l’Unicef, en 2014, environ 40.000 enfants travaillaient dans les mines dans le sud de la RDC, dont beaucoup dans des mines de cobalt.»

À qui profite le cobalt ?

Une fois sorti des entrailles de la terre par les creuseurs, qu’advient-il du cobalt ? Dans l’univers des métaux stratégiques, le plus grand profit revient, non pas au pays pourvoyeur, mais à ceux capables de raffiner le métal en question pour lui donner sa valeur ajoutée. En la matière, la Chine domine largement.

«Le business du cobalt est détenu par une nébuleuse entreprise chinoise, Congo Dongfang International Mining. Elle est en situation de quasi-monopole sur le territoire (90 % de la production), et fournit presque toutes les grandes multinationales», détaille le Courrier international.

Ce système place l’Europe dans une situation de dépendance dangereuse, comme l’a déclaré à la presse l’industriel français, Philippe Varin. «À l’horizon 2030, sur l’ensemble de l’Europe, seulement 20 à 30 % des besoins en nickel, lithium, ou cobalt nécessaires aux batteries et installations électriques, pourraient être produits par des fournisseurs européens.»

Cet article est paru dans le Télépro du 22/9/2022

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici