Ruby Bridges, petite fille noire sur fond blanc

Sans le savoir, la petite fille va devenir une figure historique de la lutte pour les droits civiques © Getty Images
Giuseppa Cosentino Journaliste

En devenant la première fillette noire à intégrer une école réservée aux Blancs, Ruby Bridges marque, sans le savoir, la fin de la ségrégation scolaire aux États-Unis.

En 1960, sa photo s’affiche dans toute la presse américaine. On y voit une petite fille, nœud blanc dans les cheveux, cartable à la main, escortée par trois policiers blancs à la sortie de son école. L’image parle d’elle-même. En ce 14 novembre 1960, la petite Ruby Bridges, 6 ans, entre dans l’histoire. Plus de soixante ans après, elle continue de diviser une partie de l’Amérique qui, comme le décrypte « Le Dessous des images » (Arte, ce lundi à 19h30), n’en a pas fini avec ses fantômes…

Ségrégation et préjugés

Pourtant, à La Nouvelle-Orléans, la fin de la ségrégation vient d’être ordonnée. Les parents de la petite Ruby répondent donc à un appel à volontaires pour participer à l’intégration de leur fille dans le nouveau système scolaire. Mais, pour mériter son banc parmi les petits écoliers blancs de la William Frantz Elementary School, les enfants « de couleur » doivent passer des tests d’admission très difficiles. Que Ruby est la seule à réussir ! Une fierté qui l’accompagnera toute sa vie. À l’instar du souvenir houleux de l’accueil qui lui sera réservé…

« Notre » racisme

Ce jour mémorable, elle le raconte à travers ses yeux d’enfant, qui n’a « pas compris tout de suite » ce qu’il se passait. Pourquoi des policiers sont-ils venus la chercher chez elle ? Pourquoi, sur le trajet, y avait-il cette foule qui hurlait dans sa direction ? Elle tente de se rassurer. Sa mère ne l’avait-elle pas prévenue qu’il « pourrait y avoir beaucoup de gens près de cette nouvelle école » ? Et ces cris de haine ? Après tout, « ce genre de choses arrivait à La Nouvelle-Orléans,au Mardi gras » … Son innocence la protège. « À 6 ans, on ne sait pas ce qu’est le racisme » … La scène fut immortalisée par l’artiste Norman Rockwell dans un tableau intitulé « The Problem We All Live With » (« Notre problème à tous »).

Sa force

Et, de fait, un autre problème l’attend à l’intérieur des murs… Des parents, furieux, font irruption dans l’école pour en faire sortir leur progéniture. Pendant presque un an, Ruby Bridges s’est assise dans une classe totalement vide avec, pour seule professeure, Madame Henry, les autres enseignants ayant refusé de donner cours. Son père perdit son emploi et ses grands-parents, agriculteurs du Mississippi, furent renvoyés de leurs terres. La routine consistant à traverser des foules déchaînées pour se rendre à l’école a duré plusieurs mois. Jamais Ruby Bridges ne s’est découragée. Aujourd’hui, elle vit toujours à La Nouvelle-Orléans où elle est la porte-parole de la « Ruby Bridges Foundation », une association fondée en 1999 pour promouvoir la tolérance. Sur sa lutte, elle a écrit un livre pour enfants, « I Am Bridges ». C’est son arme contre le racisme, qu’elle qualifie de « maladie d’adultes dont seuls les enfants peuvent les aider à se débarrasser ».

Mister President !

Néanmoins, le combat n’est pas gagné. En 2016, durant sa campagne, Donald Trump n’a récusé que du bout des lèvres le soutien public de David Duke, ex-membre du Ku Klux Klan, toujours actif… Mais Ruby ne perd pas espoir. Invitée cinq ans plus tôt par l’ancien président Barack Obama à la Maison Blanche, elle a pu y apercevoir le fameux tableau – reçu en prêt – la représentant, exposé à côté du Bureau ovale. Là, dans un aveu inattendu, l’homme politique lui confia que « sans elle, il ne serait pas devenu président » !

Cet article est paru dans le Télépro du 29/8/2024

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