Révolution des œillets, cinquante ans après
Il y a tout juste cinquante ans, la Révolution des Œillets, fomentée par une poignée d’officiers, libérait le Portugal d’une impitoyable dictature. Ce samedi à 20h30 sur La Trois, «Retour aux sources» évoque cette page d’Histoire.
Lisbonne, 25 avril 1974. En seulement 24 heures, quelque 5.000 soldats parviennent à renverser la dictature portugaise en menant une révolution éclair et pacifique. Sujet du «Retour aux sources», cette Révolution des Œillets fête son demi-siècle. À cette époque, la plus ancienne dictature d’Europe, fondée par António de Oliveira Salazar, est dirigée par Marcelo Caetano. À la mort de son mentor, celui-ci a repris les rênes d’un pays pauvre et malade, accroché à sa gloire passée de dernier empire colonial européen. L’agriculture, qui a raté le train de la modernité, peine à nourrir les 9 millions d’habitants, l’analphabétisme est courant, les salaires sont parmi les plus faibles du continent…
À la misère, s’ajoute la répression : la liberté d’expression est proscrite, les syndicats sont éliminés, l’opposition politique est réduite au silence et la population est maintenue sous contrôle par la police politique (PIDE), le bras armé du régime. Mais surtout, le Portugal est enlisé dans une terrible guerre coloniale avec ses territoires africains (Angola, Mozambique et Guinée-Bissau) qui réclament leur indépendance. Plutôt que d’être envoyés sur le front, des milliers de Portugais choisissent, chaque année, la voie de l’exil.
Guerre chère et inutile
Cette guerre du bout du monde, chère (en hommes et en argent) et inutile, fait naître une fronde au sein de l’armée portugaise. Le mouvement des «Capitaines d’avril» s’organise avec à sa tête le chef de l’armée portugaise en personne. Devenu le MFA (Mouvement des Forces Armées), il organise son plan d’attaque avec un triple objectif : renverser le régime, mettre fin à la guerre coloniale et instaurer la démocratie. Le 25 avril peu après minuit, le signal retentit sur une radio catholique : une chanson censurée par le régime donne le feu vert de l’opération. Rapidement, le MFA neutralise les centres stratégiques du pays (espace aérien, banque nationale, centres de communication…). Mais le plus dur reste à faire : s’emparer du centre économique et politique du pays, situé sur la place du Commerce, en plein cœur de Lisbonne. Salgueiro Maia et ses hommes n’y rencontrent pourtant aucune résistance, les forces de police et la plupart des soldats de l’armée loyale se rangeant même du côté des insurgés.
La fleur au fusil
Le capitaine Maia reçoit ensuite l’ordre de «débusquer le lapin de son terrier», lapin étant le nom de code de Caetano. Le convoi de chars rejoint l’endroit où le dictateur s’est réfugié. Sur le chemin, une Lisboète, Celeste Caeiro, offre des œillets rouges et blancs aux soldats qui les accrochent aux canons de leurs fusils. Sans le savoir, elle donne un symbole à cette révolution inédite qui se veut sans violence. Malgré les recommandations du MFA, la foule, en liesse, se presse dans les rues, empêchant ainsi l’armée de secourir Caetano. Acculé, celui-ci est contraint de négocier et, à 18 heures, signe sa démission.
En une seule journée, la dictature, vieille de 48 ans, s’effondre presque sans effusion de sang – quelques coups de feu tirés par la PIDE sur des manifestants font tout de même cinq morts en fin de journée. Le général António de Spínola, devenu chef de la junte, promet de restaurer la démocratie en rendant le pouvoir aux civils et en organisant des élections libres – ce sera chose faite en avril 1976. Le lendemain, le Portugal se réveille libéré et célèbre la fin des jours sombres, grâce à l’exploit de ces officiers qui ont écrit l’une des plus belles pages de l’histoire portugaise.
Cet article est paru dans le Télépro du 11/4/2024
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