Rendre au Congo ce qui lui appartient
Des dizaines de milliers d’œuvres d’art pillées par la Belgique durant la période coloniale vont être restituées à la République démocratique du Congo. Un travail titanesque. Ce dimanche à 23h15, France 5 diffuse le documentaire «Restituer l’art africain – Les fantômes de la colonisation».
Septembre 2018. La Belgique doit-elle restituer les œuvres coloniales africaines ? L’hebdomadaire français Le Courrier international pose la question. Il ne fait que relayer le contenu d’une lettre ouverte publiée quelques jours plus tôt dans le quotidien Le Soir.
Un collectif y demande que la Belgique rende à la République démocratique du Congo les œuvres pillées entre 1885 et l’indépendance du Congo belge, en 1960. Le moment choisi par ces associations, universités et membres de la société civile congolaise, n’est pas anodin. Quelques jours plus tard, le Musée royal de l’Afrique centrale (AfricaMuseum) ouvre ses portes, après cinq longues années de fermeture pour cause de rénovation.
85.000 objets
Celui qu’on appelle plus communément le Musée de Tervuren est le musée qui rassemble la plus grande collection mondiale d’objets en provenance du Congo. Inauguré à l’occasion de l’Exposition universelle de Bruxelles en 1897, il avait été conçu par le roi Léopold II comme un outil de propagande «pour attirer les investisseurs et convaincre la population belge».
Statues, masques, instruments de musique, bois, minéraux, animaux, insectes… : près de 85.000 objets en provenance de l’ancienne colonie y sont réunis (l’ensemble de la collection africaine en compte 128.000). Bon nombre de ceux-ci auraient été acquis de manière violente durant la période coloniale.
La Belgique n’est pas la seule ancienne puissance coloniale à être visée : «Plus de 90 % des œuvres d’art classiques africaines sont hors d’Afrique», affirment les signataires de la lettre ouverte. Outre le musée belge, ils pointent du doigt d’autres institutions comme le British Museum et le musée du Quai Branly Jacques Chirac. Trois ans après cette lettre ouverte, les choses ont évolué.
Des pas en avant
Mardi 6 juillet 2021. Musée royal de l’Afrique centrale. Déclaration du secrétaire d’État chargé de la politique scientifique : «L’heure est venue pour la restitution au Congo d’objets spoliés par la Belgique et qui appartiennent au peuple congolais.»
Thomas Dermine dévoile la feuille de route des autorités belges. Tous les objets doivent être répertoriés et leur origine identifiée. Soit ils ont été acquis légitimement ; ils peuvent dès lors rester en Belgique (a priori, ce serait le cas de près de 60 % d’entre eux). Soit il s’agit d’œuvres obtenues par la violence, le pillage… et, dans ce cas, elles doivent être rendues. Soit il y a un doute et il faut enquêter avant de statuer.
1 % des collections
Selon Guido Gryseels, directeur du musée depuis vingt ans, 1 % des collections est «éligible à une restitution immédiate». Pour les 45.000 artefacts restants, la tâche des experts congolais et belges (pour l’instant il y en a deux) s’annonce colossale.
L’identité de la personne qui a rapporté l’objet en Belgique peut être un indice : on sait que certains coloniaux belges, clairement identifiés, se sont largement servis lors de massacres perpétrés au Congo. Mais il peut aussi s’agir de pièces plus récentes acquises de manière tout à fait légale, de cadeaux… Le travail devrait prendre plusieurs années (on parle de dix ans), mais la machine est désormais enclenchée.
Le long chemin du retour
Novembre dernier, le secrétaire d’État se rend à Kinshasa en compagnie du directeur du musée. Il réaffirme le plan de route belge, mais aussi les excuses de notre pays pour les atrocités commises par le régime colonial. Quand les objets dont l’origine illégitime aura été prouvée, seront-ils de retour en RDC ? Il va falloir s’organiser «pour s’assurer de leur conservation, préservation et valorisation».
De leur côté, les autorités congolaises ne sont pas pressées : selon le magazine Jeune Afrique, «près de 33.000 objets des collections publiques congolaises sont (actuellement) entassés dans des conditions de conservation inquiétantes, dans l’ancienne réserve privée de Mobutu».
La Belgique envisage une intervention sur le long terme pour aider des musées à améliorer la qualité de leurs infrastructures.
Cet article est paru dans le Télépro du 13/1/2022
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