Quand les normes dépassent les bornes

Les agriculteurs dénoncent régulièrement le carcan de plus en plus étouffant des normes environnementales © Getty Images

Qu’ils soient internationaux, européens, nationaux ou régionaux, les règlements, codes et lois se multiplient. Gare à l’excès.

La France serait-elle malade de ses normes ? Jeudi soir sur France 2, «Envoyé spécial» tente de répondre à la question. Les chiffres sont éloquents. Dans l’Hexagone, en vingt ans, le code de l’environnement a gonflé de 689 %, celui du commerce de 365 % et celui de la consommation de 333 %. Agriculteurs, entreprises et citoyens en ont assez de l’accumulation des réglementations. Leur multiplication impacte aussi les communes, parfois tenaillées entre des exigences contradictoires. C’est usant, pénible, mais aussi très coûteux : 3 % du PIB français, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Trop de normes…

Une norme, c’est un peu comme une recette : on vous donne la liste des bons ingrédients pour mener à bien une activité, une prestation… Vous avez sans doute déjà entendu parler des normes ISO. Dans ce cas, elles sont mondiales, «pour des produits et des services sûrs». Elles conjuguent éthique et qualité. La norme ISO 14001, par exemple, est une référence internationale en termes de bonnes pratiques environnementales.

En Belgique, les normes sont élaborées à trois niveaux : national, européen et mondial. Il faut aussi être attentif à leur hiérarchie : droit international, Constitution belge, lois spéciales, lois simples, règlements… Les normes sont publiées par le Bureau de normalisation (NBN). Elles sont de quatre types : les normes de produits (pour des produits plus sûrs et de meilleure qualité), normes de service (garantissant une qualité minimale constante de la prestation de service), de processus (règles de production, de stockage) et de gestion. Le plus souvent, elles sont demandées par des associations ou des entreprises, discutées dans la communauté professionnelle et testées par des experts avant d’être publiées.

… tue la norme

Au total, cela fait un sacré paquet de choses auxquelles il faut être attentif. En matière d’environnement notamment. Avant que notre pays n’assure la présidence de l’Union, notre Premier ministre sortant avait mis en garde à propos de ce phénomène : «Ce qu’il faut éviter maintenant, c’est de surcharger la barque», déclarait Alexander De Croo au micro de la VRT. Il estimait qu’il serait contreproductif pour la Belgique et l’Union européenne d’ajouter «des nouvelles normes de dioxyde d’azote, de nouvelles normes liées à la loi de restauration du milieu naturel», ou «de nouvelles normes dans le domaine de la biodiversité». Pour lui, comme pour le président français Emmanuel Macron, il fallait faire une pause réglementaire.

Ras-le-bol

Un règlement allait faire beaucoup parler de lui au début de cette d’année : le règlement européen sur l’utilisation durable des pesticides (SUR). Son objectif : réduire l’utilisation de ces produits (-50 % pour 2030). C’est ce que l’Union appelait la stratégie «De la ferme à la table». L’intention était de protéger la santé humaine et l’environnement contre les risques et les incidences possibles des pesticides.

Intention louable pour les agriculteurs, mais mise en œuvre «asphyxiante» à leurs yeux. Dans de nombreux pays européens, ils descendent dans la rue, dénoncent «des ambitions intenables pour leur secteur». Leurs syndicats déclarent : «Nous sommes confrontés à un amoncellement de normes environnementales toujours plus dures qui menacent la viabilité de nos exploitations.»

Début février, la présidente de la Commission européenne faisait marche arrière. Ursula von der Leyen annonçait le retrait de la proposition devenue, selon elle, «un symbole de polarisation».

Bonne chose pour l’environnement ? Très peu de monde en est convaincu. Symptomatique du «trop de règles tue la règle» ? Cela, c’est beaucoup plus sûr, même si, comme le rappelle France Nature Environnement, les règles de droit sont édictées afin de protéger l’intérêt général, notamment la santé du citoyen ou son environnement. Elles sont donc rarement inutiles.

Cet article est paru dans le Télépro du 6/6/2024

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici