Petits sportifs, grands abus !

Jacqueline Schneider, 11 ans, patineuse artistique allemande, victime de burn-out © ARTE France – Cinétévé

Des scandales récents ont révélé les méthodes brutales souvent imposées aux jeunes sportifs de haut niveau. Une enquête accablante diffusée sur Arte («Futurs champions, le prix de la gloire», ce mardi à 20h50) met au jour les rouages d’un système qui sacrifie des enfants au nom des intérêts économiques et de la gloire.

Ancien secrétaire du Comité des droits de l’enfant de l’Onu, Paulo David, qui intervient dans le documentaire, alerte depuis plus de trois décennies sur les abus et l’exploitation dont sont victimes les jeunes sportifs.

Paulo David, de quels types de violences parle-t-on ?


Des abus physiques, psychologiques, émotionnels et sexuels. Et une forme d’exploitation économique quand les jeunes sportifs sont incités à signer des contrats dont ils ne saisissent pas forcément l’ampleur. Certains sont poussés au dopage ! Le haut niveau, avec ses entraînements et compétitions intensifs, peut également porter atteinte à leurs droits à l’éducation et à la santé. Ces dernières décennies, on assiste à une «épidémie» de commotions cérébrales, les contacts devenant toujours plus violents. Et puis il y a les problèmes de santé mentale, restés longtemps tabous. Dans les cas extrêmes, cela peut briser des vies. 

A-t-on une idée de l’ampleur du phénomène ? 


En 2004, dans mon livre «Human Rights in Youth Sport», j’avais estimé, en croisant des études, que 70 % des enfants qui sont impliqués dans le sport de compétition en ressortent épanouis, cette activité constituant un formidable instrument de développement; 20 % se trouveraient dans une zone grise; tandis que les 10 % restants subiraient une forme ou une autre de violation de leurs droits. Cela représente un nombre considérable de victimes. Si les caractéristiques propres au haut niveau peuvent favoriser les abus, le sport de masse n’est pas à l’abri pour autant. 

Comment en est-on arrivé là ?


Les fédérations, qui organisent le sport depuis le début du XXe siècle, ont une autonomie de fonctionnement reconnue par les États. Elles en ont abusé, avec la complicité des autorités qui n’exercent aucune surveillance. Dans les pays où le sport est subventionné, l’argent des contribuables permet ainsi la violation des droits de l’enfant. C’est intolérable ! Et pourquoi ferme-t-on les yeux ? Pour la gloire des nations, des multinationales du sport, des parents, des fédérations… Celles-ci ne bougent en général que lorsque leurs intérêts sont menacés. Les abus se sont ainsi accumulés dans le silence et l’impunité, jusqu’à ce que des scandales, essentiellement sexuels, éclatent dans les années 1990-2000.


Que préconisez-vous pour mieux protéger les jeunes athlètes ?


Dans la plupart des pays occidentaux, les enfants et adolescents qui s’engagent dans le théâtre ou le cinéma sont protégés par le droit du travail. L’une des pistes envisagées consisterait à appliquer dans la sphère sportive les législations encadrant le travail des enfants.

Cet article est paru dans le Télépro du 18/7/2024

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