Ouïghours dans les goulags de la Chine

Persécutée par Pékin, la minorité musulmane ouïghour est victime d’un véritable génocide. Lundi à 22h25, La Trois diffuse le documentaire «Ouïghours : mécanique d’un génocide annoncé».

Pékin, 28 octobre 2013. L’Agence France-Presse diffuse sur son réseau quelques images d’un incident aussi imprévisible qu’interpellant. De loin, on distingue une épaisse colonne de fumée. Elle s’élève de la place Tiananmen, en plein centre de la capitale chinoise. Les forces de l’ordre empêchent le passage, mais sur le plan suivant, la personne qui filme a réussi à s’approcher : un attentat vient d’avoir lieu. Quelques instants plus tôt, un véhicule 4×4 a quitté la chaussée, traversé les barrières de protection, foncé dans la foule. À son bord, trois personnes et des bidons remplis d’essence. L’attentat suicide a fait cinq morts. Ses auteurs sont identifiés. Il s’agit de militants séparatistes ouïghours.

Frapper fort

Cette ethnie turcophone est majoritairement musulmane. Elle vit dans la province chinoise du Xinjiang, à l’ouest du pays. Peu peuplée (23 millions d’habitants dont 13 millions de Ouïghours), montagneuse, désertique, cette région possède d’importantes réserves de pétrole et de gaz naturel. Dès 1996, Pékin y lance une vaste opération policière. Officiellement, contre le crime. Officieusement : pour mater les militants favorables à l’indépendance. La répression est sans pitié. Des milliers de personnes sont arrêtées. En 2009, des émeutes éclatent dans la capitale Ürümqi entre la minorité ouïghour et la « majorité » chinoise (les Hans). Elles se soldent officiellement par 197 morts, 2.000 blessés et des milliers d’arrestations. Les tensions ne s’apaisent pas. L’attentat de la place Tiananmen en 2013 sera suivi par cinq autres, dans des gares notamment, tous meurtriers, tous imputables aux Ouïghours. La sanction du gouvernement chinois est féroce.

Camps de rééducation

Pour Pékin, pas question de céder aux envies d’indépendance de la minorité musulmane. Une minorité très attachée à son identité culturelle, à l’instar des Tibétains et des Mongols. Pour répandre la civilisation chinoise dans la région, les autorités sont donc contraintes d’employer les grands moyens. Les effectifs de la police sont renforcés à outrance. « Des caméras de surveillance filtrent les entrées et les sorties des habitations, aucun détail n’échappe à l’œil de Pékin », rapporte la sinologue française Marie Holzman dans le magazine Geo. Confiscations des passeports, fouilles et interrogatoires, « séjours à domicile » de cadres de l’administration… Pour surveiller les familles de la minorité ethnique, tous les moyens sont bons.

La face la plus sombre de cette répression concerne les camps d’internement. Amnesty international dénonce. « Les nombreux témoignages directs que nous avons pu récolter et vérifier nous permettent de conclure que l’État chinois commet des crimes contre l’humanité : emprisonnements, tortures et persécutions », explique l’ONG.

Génocide

Passages à tabac, décharges électriques, privation de sommeil, isolement sont utilisés pour effacer l’identité de cette minorité musulmane. Pratiquement toutes celles et ceux qui y passent déclarent aussi être contraints de suivre des cours « d’éducation politique ». Les groupes de défense des droits de l’homme estiment que la Chine a détenu plus d’un million de Ouïghours contre leur gré au cours des dernières années. Des centaines de milliers ont été condamnés à des peines de prison. Pour la première fois dans l’histoire, une dizaine de parlements dans le monde – France, Royaume-Uni, Belgique, Canada… – et le gouvernement américain reconnaissent l’existence d’un génocide en cours. Le gouvernement chinois se contente de répondre que la paix et la prospérité apportées au Xinjiang grâce à ses mesures antiterroristes sont la meilleure réponse à « toutes sortes de mensonges ».

Cet article est paru dans le Télépro du 7/11/2024

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