Odyssée en… ésotérie

Les adeptes de la lithothérapie multiplient les termes savants pour légitimer cette «médecine» par les pierres... © Isopix
Alice Kriescher Journaliste

Voyance, astrologie, cartomancie, lithothérapie… De plus en plus de nos contemporains y ont recours. Ce dimanche à 20h10, «Vox pop» (sur Arte) tente de savoir pourquoi.

À en croire certains sondages européens récents : 40 % des Français de moins de 35 ans croient à la sorcellerie, 25 % des Allemands au pouvoir des guérisseurs et 23 % des Espagnols aux phénomènes paranormaux quand, chez nous, 20 % des Belges se disent superstitieux !

Pourquoi cette recrudescence de pratiques longtemps moquées ? Y a-t-il un risque à se laisser aller à de telles croyances ? Arte a mené l’enquête.

Repères célestes

Selon une récente enquête de la Fondation Jean Jaurès et de l’IFOP, 4 Français sur 10 croient en l’astrologie. Dans la tranche des 18-24 ans, ils ne sont pas moins de 70 % à croire aux «parasciences», autrefois appelées sciences occultes ou parallèles. Alors que ces croyances étaient souvent jugées farfelues, ces dix dernières années, l’ésotérisme amorce un retour en force.

Pour la sociologue des croyances, Romy Sauvayre (source : RTBF), le phénomène est générationnel. «On est face à une génération beaucoup plus stressée que ses aînés. Cette anxiété sur l’incertitude du monde, donc sur leur avenir, pousse certains d’entre eux à chercher d’autres outils pour décompresser et s’en sortir.»

Outre cette jeunesse en manque de repères, la société au sens plus large semble davantage encline à croire aux thèmes astraux. Notamment parce que la pratique a redoré son blason pour s’éloigner du cliché «boule de cristal» en adoptant un angle plus crédible. «Comme Co-Star (1,6 million d’abonnés sur Instagram), qui promet des prédictions basées sur des cartes de la Nasa», détaille la RTBF.

Mais pour la sociologue Romy Sauvayre, il y a entourloupe. «On se sert de la science pour donner une caution intellectuelle à quelque chose qui n’en a pas. Et dans un second temps, on va disqualifier la science en affirmant qu’elle n’a pas toutes les réponses.»

Juteux business

Face à ce regain d’intérêt pour les sciences parallèles, le marché n’a pas mis longtemps à surfer sur la vague. À l’instar du business de la lithothérapie, ou «médecine par les pierres», en plein essor. Aux États-Unis, l’Institut américain d’études géologiques indique (rapport de 2020), que l’importation de pierres précieuses, sans compter les diamants, a connu une augmentation de 14 % en 2019.

Sur Instagram, les comptes qui vantent et vendent les précieux cailloux sont nombreux. «La boutique en ligne ’Les Joyaux de la Lune’, à l’esthétique soignée, propose des cristaux et des tirages de cartes. La fondatrice gagne entre 5.000 et 10.000 € par mois de chiffre d’affaires», relate Les Echos.

Là encore, les sociologues voient dans cet engouement un lien avec notre époque, comme le souligne Martin Geoffroy, sociologue et spécialiste des pratiques du New Age. «Avec les débats scientifiques autour du coronavirus, l’opinion publique est aussi confrontée aux errements de la science sur un sujet nouveau. Les scientifiques n’ont pas réponse à tout, mais les gens ont horreur du vide.»

Si la lithothérapie en elle-même n’est pas un danger, se passer d’un médecin pour se soigner au moyen de pierres est plus que problématique.

Toujours selon Les Echos, «si la plupart des boutiques de lithothérapie déclarent bien que les pierres ne peuvent remplacer un médecin, leur discours est double et l’utilisation de termes scientifiques incompréhensibles pour légitimer la lithothérapie est fréquente».

Au pays de l’ésotérisme les voyants sont rois ! L’un des plus célèbres actuellement est l’Américain Tyler Henry dont le revenu annuel s’élève à 3 millions d’euros. En France, une personne sur trois consulterait un voyant chaque année pour un chiffre d’affaire total qui est estimé à 3 milliards d’euros par an.

Cet article est paru dans le Télépro du 6/5/2021

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