Nike : pas vu, pas pris…

Alberto Salazar a le logo Nike tatoué dans la peau... La marque l’a désavoué dès la révélation de ses pratiques douteuses ! © Isopix

Gagner à tout prix ! La star des entraîneurs américains ne sera pas à Tokyo. Il a été suspendu pour méthodes douteuses et lâché par son sponsor et employeur…

À quelques jours des JO de Tokyo (lire aussi notre dossier cette semaine dans Télépro), le spectre du dopage plane… D’autant que les derniers Mondiaux d’athlétisme, à Doha, en 2019, ont été entachés d’un énorme scandale. En plein milieu de la compétition, l’Agence américaine antidopage a suspendu l’entraîneur le plus en vue de la planète : Alberto Salazar (62 ans). Qui est-il ? Quels sont ses liens avec Nike ? Mardi à 22h25, Arte revient sur cette histoire dans un documentaire inédit : «Nike, la victoire à tout prix».

Éleveur de champions

Chaque année, à Monaco, l’Association internationale d’athlétisme remet ses trophées. En 2013, alors qu’Usain Bolt est nommé athlète de l’année, le trophée du meilleur entraîneur revient à Alberto Salazar. L’homme s’est imposé comme un fabricant de champions. Après avoir été le mentor de Galen Rupp, il a mené quatre fois Mo Farah sur la plus haute marche du podium olympique.

À Doha, quelques heures avant sa suspension, plusieurs de ses poulains ont décroché l’or. Notamment la Néerlandaise Sifan Hassan, dans un doublé historique sur 1.500 et 10.000 m. Sa performance avait créé la polémique : comment une même athlète peut-elle triompher sur deux distances si différentes ? Aucun des coureurs de Salazar n’a jamais été testé positif, mais les méthodes de l’entraîneur sont douteuses…

Vendre des chaussures

Salazar travaille pour Nike. En 2001, l’équipementier américain a voulu booster son image en l’associant aux meilleurs athlètes mondiaux. Il a lancé le projet NOP (Nike Oregon Project) pour former des coureurs d’élite aux couleurs de la marque. Salazar a été recruté pour les repérer et les entraîner. Ce qu’il fera avec succès.

Sa suspension fait donc des remous. Mais ce n’est rien à côté de la tempête qui se déchaîne peu après, quand une jeune coureuse se confie au New York Times. L’article est titré : «J’étais la fille la plus rapide d’Amérique avant de rejoindre Nike.» «J’avais 16 ans quand Salazar m’a appelée», raconte Mary Cain. «Il m’a dit que j’étais l’athlète la plus prometteuse qu’il ait jamais vue. Lui était l’entraîneur le plus fameux au monde. C’était un rêve…»

Pensées suicidaires

La sportive va vite déchanter. Salazar veut qu’elle perde du poids. Encore et encore. Et tous les moyens sont bons : il la contraint à prendre la pilule contraceptive, des diurétiques et lui impose la pesée devant ses coéquipiers… Mary perd pied. Avec des conséquences physiques et psychologiques. Au bout de quelques mois, elle souffre d’aménorrhée, puis d’une ostéoporose qui lui vaut cinq fractures. «J’avais peur. Je me sentais seule et tellement prise au piège que j’ai eu des pensées suicidaires…»

Dans la foulée de cette histoire, Nike a lâché Alberto Salazar. Comme elle avait renié Lance Armstrong lorsque le dopage était devenu incontestable. Mais peut-on raisonnablement croire que la marque ignorait tout de ces pratiques avant qu’elles explosent au grand jour ?

Pouponner ou courir, il faut choisir

Au sein de l’équipe de Salazar comme ailleurs, l’athlète Mary Cain a dénoncé le fait que le sport de haut niveau est pensé par des hommes pour des hommes. Sans s’inquiéter ni du corps ni de la psychologie des femmes. Les JO japonais viennent encore de le rappeler avec la basketteuse canadienne Kim Gaucher, maman d’une fillette de 3 mois. Le Comité olympique avait mis un véto à ce que son bébé l’accompagne à Tokyo. «On me force à choisir entre être une maman qui allaite ou une athlète olympique», a-t-elle dénoncé sur ses réseaux. L’affaire a fait tant de bruit que les autorités des JO ont fini par changer d’avis…

Cet article est paru dans le Télépro du 15/7/2021

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