N° 5 : un parfum de scandale

L’actrice australienne Margot Robbie, actuelle égérie du N° 5 de Chanel… © Chanel

Chanel N° 5 est le parfum le plus connu au monde. Mais il traîne derrière lui des effluves de scandale…

À un journaliste de Life Magazine qui, en 1952, lui demandait ce qu’elle portait pour dormir, Marilyn Monroe avait répondu : « Quelques gouttes de Chanel N° 5 ». L’anecdote entra dans la légende et contribua à l’aura de ce parfum créé en 1921, et qui reste l’un des plus vendus au monde. Dans son sillage de jasmin, il y a pourtant une odeur nauséabonde, celle de la dénonciation de ses associés juifs aux nazis par Gabrielle Chanel. Ce vendredi à 20h35 sur La Trois, « La Guerre du N° 5 » revient sur cette incroyable histoire.

Comme une robe

Au début des années 1920, Coco Chanel souhaite proposer une fragrance qui s’accorde aux vêtements qu’elle crée depuis une dizaine d’années. À l’époque, les soliflores sont en vogue. On se parfume au lilas, à la violette ou à la fleur d’oranger. Chanel imagine autre chose. « Je ne veux pas de rose ou de muguet. Je veux un parfum artificiel. Quelque chose de fabriqué, de composé, d’assemblé. Comme une robe. » Lors d’un séjour sur la Côte d’Azur, elle fait une escapade à Grasse pour rencontrer le dernier parfumeur du tsar de Russie, Ernest Beaux. Quelques semaines plus tard, il monte à Paris lui proposer une série d’échantillons. Chanel retient le numéro 5. « Comment souhaitez-vous l’appeler ? », lui demande le parfumeur. « Je lance ma prochaine collection le 5 mai – le 5/5. C’est un signe. Nous l’appellerons donc N° 5, ça lui portera chance. »

Révolutionnaire

Le 5 mai 1921, Coco Chanel présente donc le parfum dans son atelier parisien. Avec ses 80 ingrédients, il révolutionne l’univers de la parfumerie. Car jusque-là, les parfumeurs travaillaient avec des composants naturels. Ernest Beaux a l’idée de les doper avec une molécule de synthèse. Autre innovation : le flacon. Les bouteilles de l’époque – aux formes tarabiscotées – sont commandées à des verriers renommés, comme Lalique. Chanel opte pour un contenant simple aux airs de flasque de whisky. Tout cela surprend et séduit.

Aux Galeries…

Très vite, Chanel a l’idée de commercialiser le N° 5 dans le plus célèbre magasin de l’époque : Les Galeries Lafayette. Mais pour cela, il faut produire en quantité. Elle n’en a pas les moyens. Elle s’associe alors à la famille Wertheimer, propriétaire de la société Bourjois. La naissance des Parfums Chanel est signée en 1924. Coco Chanel apporte son nom et sa fragrance contre 10 % de l’affaire. Les Wertheimer, qui prennent tous les risques financiers, en seront propriétaires à 70 %.

Questions juives

Forts de leur expérience et de leurs réseaux, les Wertheimer font un excellent boulot. Dès 1929, N° 5 est le plus vendu au monde, faisant exploser la notoriété de Chanel bien au-delà de la France. Coco Chanel pourrait être ravie, mais elle est aigrie. Ses 10 % ne lui suffisent plus… La guerre va lui donner l’occasion de nuire à ses associés : ils sont juifs. Proche de l’occupant nazi, elle n’hésite pas à les dénoncer. Au Commissariat général aux Questions juives, elle écrit : « Je me porte acquéreur de la totalité des actions Parfums Chanel, qui sont encore la propriété de Juifs et que vous avez pour mission de céder à des sujets aryens. » Ses démarches n’aboutiront toutefois pas. Aujourd’hui, Chanel est toujours propriété des descendants de la famille Wertheimer.

Cet article est paru dans le Télépro du 7/11/2024

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