Mon héritier est un village

Le Vigen (Haute-Vienne) a hérité du domaine de Ligoure : un château, des maisons, des exploitations agricoles et 300 hectares de terres, soit des millions d’euros. © TF1/Babel Doc/Jacques-Olivier Benesse

Trésor ou cadeau empoisonné : pour une commune ou une institution, bénéficier d’un héritage n’a pas que des avantages. Ce dimanche à 13h40 sur TF1, «Grand reportages» propose un sujet intitulé «Mon village hérite d’un trésor !».

«Je lègue à la commune de Montézic (…), et à elle seule, l’intégralité des avoirs qui composent ma succession». En 2016, un homme d’affaires fortuné de la Côte d’Azur décide de coucher sur son testament le nom d’une bourgade dont il est tombé amoureux, Montézic, un petit village français de 234 habitants situé dans l’Aveyron, entre Rodez et Aurillac.

Enfant, il venait y passer ses vacances. Coup de cœur pour l’endroit… et coup de sang pour le maire lorsqu’il apprend la nouvelle, au décès du bienfaiteur, deux ans plus tard. Le montant de l’héritage est faramineux : 14 millions d’euros !

Fleurir une tombe

La surprise d’être les uniques légataires est d’autant plus grande pour les villageois que rares sont ceux qui ont un souvenir précis de l’homme d’affaires. Le maire, lui, en trente ans de mandat, ne se souvient même pas l’avoir croisé…

Ce qu’il sait par contre, c’est que le village doit satisfaire à trois conditions fixées par le défunt pour bénéficier de l’héritage : vendre les biens immobiliers (immeubles et appartements) dans les trois ans, utiliser l’argent «uniquement pour le bien des gens de Montézic» et… fleurir la tombe familiale pendant vingt ans. Pas trop contraignant pour un don du ciel : près de vingt fois le budget annuel du village.

L’histoire se répète

Le plus incroyable peut-être, c’est que cette histoire est loin d’être unique. En France, la même année, elle se répète à plusieurs reprises. Là, c’est un million d’euros qui sont légués, ailleurs, 2,5 millions, ailleurs encore, 4,5 millions. Parfois le testament est assorti de conditions particulières : le quotidien La Dépêche mentionne notamment le cas d’une donatrice exigeant «la rénovation de deux chapelles, de l’église paroissiale et d’une maison de santé. Une salle de celle-ci doit porter son nom et trois messes être célébrées chaque année à l’église pour elle, ses parents et son mari».

Des histoires qui valent leur pesant d’or, mais aussi d’émotion, comme celle de ce survivant de la Shoah ayant légué sa fortune au village qui l’a sauvé.

Le revers de la médaille

Les conditions pour pouvoir bénéficier de l’héritage : c’est parfois le revers de la médaille. Un exemple. Pour hériter d’un million d’euros, un village doit s’engager à construire des logements sociaux… qu’il possède déjà en suffisance.

Ce n’est pas tout. Une plaque portant le nom de la défunte doit être apposée à la mairie et deux tableaux de son salon être «installés dans le bureau du maire»…

Effectuez la même recherche concernant des villages bénéficiaires d’héritages en Belgique et vous serez déçus. Parmi les rares informations sur ce thème, l’héritage dont a bénéficié la commune de Quaregnon en 2016 : 500.000 euros de la part d’une habitante.

Pas que les Belges soient moins amoureux de leur ville ou village que les Français, «c’est que les communes sont plus discrètes», estime Sébastien Dupuis, porte-parole de notaire.be. «Car il est possible de léguer tout ou partie de son patrimoine (immeubles, argent, titres, véhicules, œuvres d’art…) à une commune, un CPAS, une institution de l’État en général… qui pourra refuser si les conditions fixées dans l’héritage sont trop contraignantes ou engendrent plus de dépenses que de recettes».

Le taux de taxation est par ailleurs très favorable (5,5 % en Wallonie). Cela permet d’aider ces institutions à développer de projets importants.

Cet article est paru dans le Télépro du 20/1/2022

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici