Matières premières : main basse sur l’Afrique
Le pillage des matières premières par les grandes puissances fait rage sur le continent noir. Ce mardi à 22h35, Arte diffuse le documentaire «Opération Afrique – La course aux matières premières de demain».
Alkebulan. C’est le nom que Carthaginois, Éthiopiens, Maures, Numides et autres Nubiens donnaient au continent que les Latins rebaptisèrent Africa. Plusieurs hypothèses existent quant à l’origine étymologique du terme. Pour les uns, Alkebulan signifie « Terre des Noirs ». Pour d’autres, le nom « originel » voudrait dire « Mère de l’humanité » ou « Jardin d’Eden ». Un jardin d’Eden regorgeant de richesses. Outre l’or, le continent abrite de nombreux gisements de diamants, de métaux comme le cuivre, le fer, le platine, le cobalt, de terres rares, d’uranium et d’hydrocarbures (gaz naturel, pétrole).
Statista, la plateforme mondiale de données et d’intelligence économique, estime qu’à l’échelle mondiale, l’Afrique représente 40 % des réserves d’or, 30 % des réserves de minerais et 12 % des réserves de pétrole. Un Eden donc, mais synonyme d’enfer pour certains. Selon les chiffres de la Banque mondiale, « le continent concentre plus de 60 % des individus extrêmement pauvres de la planète, et ce taux devrait grimper à 90 % en 2030 ».
Razzia
Certains économistes n’hésitent pas à qualifier cette situation de « malédiction des matières premières ». D’une part, sur les marchés, les prix des matières premières sont particulièrement fluctuants. Une volatilité source d’instabilité. D’autre part, « ces ressources et la manne financière qu’elles génèrent entraînent d’importants problèmes de gouvernance et de corruption, impliquant à la fois les gouvernements locaux, mais aussi des multinationales ou des puissances étrangères », analyse Statista.
Dans « The Looting Machine » (« La Machine à piller »), le journaliste d’investigation Tom Burgis décrit un système de pillage organisé où les pilleurs sont loin d’être uniquement des dirigeants africains, « abusant d’une fonction publique à des fins privées ». Dans un entretien au quotidien Le Monde, il dénonce : « Les alliés de ces classes dirigeantes comprennent des multinationales qui remportent des contrats pétroliers et miniers ainsi que des entreprises du système bancaire international. » Une situation dont les populations locales sont les premières victimes.
Terreur quotidienne
Hôpital de Panzi, province du Sud-Kivu, République démocratique du Congo. Nous effectuons un reportage sur l’hôpital où le docteur Denis Mukwege « répare les femmes » victimes de viols et de tortures. Une petite fille est amenée en urgence au bloc. D’habitude, ce sont des femmes ou des jeunes filles qui sont opérées ici. Mais Lucie, elle, n’a que 18 mois. Le médecin nous explique. « L’enfant a été violée, son appareil génital est complètement détruit. Son seul tort : vivre sur un sous-sol qui renferme des diamants, de l’or, du coltan.
Des milices font régner la terreur pour faire fuir les populations et s’emparer à leur guise des richesses de la région ». Impossible d’oublier cette image. C’est pourtant le quotidien des populations dans l’est de la RDC. Les faits sont connus. Même le prix Nobel de la paix décerné au médecin en 2018 n’a rien changé. Pour poursuivre le pillage, la terreur continue. Plutôt que de bénéficier des richesses en ressources naturelles, la population paie celles-ci au prix fort.
La lutte continue
Pour s’accaparer une part du gâteau, les grandes puissances mondiales se livrent une lutte féroce. Objectif : se garantir un accès direct aux ressources naturelles de l’Afrique. « 140 ans après la première ruée menée par les Européens, un phénomène qualifié de « nouvelle ruée vers l’Afrique » agite l’Union européenne, la Russie, le Royaume-Uni, la France, la Turquie, la Chine et les États-Unis », écrit le journal indépendant Afrique XXI.
L’ampleur de l’engagement étranger sur le continent est sans précédent. Le reportage diffusé mardi sur Arte en témoigne. En RDC, par exemple, la Chine a multiplié les investissements. Cette mainmise gêne l’Europe qui ne souhaite plus dépendre du géant chinois pour ses ressources en métaux rares et cherche à mieux s’implanter sur un continent africain, de nouveau le théâtre d’une lutte de pouvoir pour l’approvisionnement mondial en matières premières.
Cet article est paru dans le Télépro du 30/1/2025Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici