Martin Luther King, réveil brutal
Le 4 avril marquera les cinquante-cinq ans de l’assassinat de Martin Luther King. Ce samedi à 20h35 sur La Trois dans «Retour aux sources», Élodie de Sélys nous dévoile «l’autre rêve», moins connu, du célèbre pasteur.
Martin Luther King, l’homme qui était parvenu à rassembler des centaines de milliers de personnes pour soutenir sa cause contre le racisme et la ségrégation, est pourtant mort avec l’impression de n’avoir pas pu remporter son autre grand combat : celui contre la pauvreté.
Icône fatiguée
«Je suis fatigué de marcher… Parfois je me demande si je vais atteindre mon but. Je vous l’avoue, je suis fatigué !» En 1966, à Chicago, Martin Luther King confesse son désespoir. Lui qui, deux ans plus tôt, était perçu comme le héros des droits civiques, se retrouve isolé. Son autre grand combat est celui d’une Amérique où la pauvreté n’existe plus. La véritable émancipation des Noirs et de la population dans sa globalité, il ne l’imagine que dans l’égalité sociale, peu importe l’origine.
«La couleur de peau n’a plus d’importance : il faut, affirme-t-il, que tous les pauvres se mobilisent et défendent leur droit à une vie meilleure, qu’importe s’ils sont afro-américains, blancs, hispaniques…», détaille le site de Clique TV. Mais, en menant cette bataille plus large, Martin fait grincer des dents jusque dans son propre camp, comme l’explique Sylvie Laurent, auteur de «Martin Luther King. Une biographie intellectuelle et politique» (Seuil), dans le magazine L’Histoire. «Les militants de la NAACP (Association nationale pour la promotion des gens de couleur) lui reprochaient son engagement chimérique dans des luttes sociales qui n’étaient pas les siennes.»
Indifférence étatique
Malgré les dissensions dans ses rangs, le pasteur King entend bien organiser sa «campagne des pauvres» et a pour ambition de bloquer Washington. La tâche ne sera cependant pas aisée, car, outre certains de ses partisans, il énerve aussi les autorités américaines qui sont soit obnubilées par la guerre au Vietnam, conflit auquel King n’est pas favorable, soit irritées de le voir s’emparer d’un sujet plus général que la seule cause des Noirs. «À partir de 66-67, quand il a commencé à vouloir mener des campagnes dans le Nord, il se coupe d’une partie des autorités», explique Jacques Portes, spécialiste de l’histoire des États-Unis, à Clique TV. «Longtemps, quand Martin Luther King ne s’occupait que de la ségrégation du Sud, elles ont été rassurées par sa figure de pasteur pacifique et populaire. Qu’il vise le territoire entier, qu’il s’approprie une cause plus globale, « plus floue », agace les États-Unis.»
Cœur brisé
Le 4 avril 1968, Martin Luther King pose les jalons de sa prochaine marche contre la pauvreté en allant soutenir des employés de voirie en grève, à Memphis. Alors qu’il prend l’air sur le balcon de sa chambre d’hôtel, un coup de feu est tiré et la balle frappe le pasteur en plein visage. Leader isolé, épuisé moralement et physiquement, Martin Luther King meurt, selon Xernona Clayton, une de ses proches collaboratrices, le cœur brisé. Après la disparition du symbole des droits civiques, c’est un autre pasteur, Ralph Abernathy, qui décide de reprendre les rênes de la «Marche pour les Pauvres». «Plusieurs dizaines de milliers de personnes se réunissent à Washington entre mai et juin 1969, sous la canicule», détaille Clique TV. Mais l’événement tourne au désastre, les affrontements avec la police sont extrêmement violents et 260 personnes sont placées en garde à vue, dont Abernathy.
Relève délicate
Cinquante-cinq ans après la mort de Martin Luther King, que reste-t-il de ses combats ? Si des mouvements de désobéissance civile, à l’instar de Black Lives Matter, semblent en être les héritiers, les causes défendues par le pasteur sont plus que jamais d’actualité outre-Atlantique. «Beaucoup des problèmes qu’il a combattus sont toujours là», explique Jason Sokol, auteur de «La Mort et l’héritage de Martin Luther King Jr.», à Ouest France. «La pauvreté des Noirs, la ségrégation en matière de logement et d’école, la brutalité policière, les incarcérations de masse… En fait, statistiquement, ces problèmes ont empiré.»
Cet article est paru dans le Télépro du 16/3/2023
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