Marée brune sur l’Europe
Les partis d’extrême droite surfent sur la vague du succès. La Belgique est, elle aussi, concernée. Ce mardi à 22h50, Arte diffuse «White Power – Au cœur de l’extrême droite».
Les résultats des élections européennes de juillet dernier n’ont fait que confirmer la tendance. En France, le Rassemblement national arrive en tête avec 31 % des suffrages. Première place aussi pour l’extrême droite en Italie (28,6 %) et en Autriche (25,7 %), deuxième place en Allemagne, en Pologne et aux Pays-Bas. En Belgique, le Vlaams Belang de Tom Van Grieken n’a pas réussi à dépasser la N-VA de Bart De Wever au scrutin fédéral ; en revanche, il l’a fait au niveau européen. Avec 13,9 % des suffrages, il devient la première force politique du pays. « Parfois, ils atteignent la première place, parfois ils étaient déjà en tête et gonflent encore leurs résultats », constate François Debras, politologue à l’ULiège et à HELMo (Haute École Libre Mosane).
Mots choisis…
Trois points communs lient les formations d’extrême droite : l’inégalitarisme, le nationalisme et le sécuritarisme. « Leur discours sur les inégalités entre les êtres humains a évolué », explique le politologue liégeois. « Il ne se base plus sur la race, mais sur la religion et la culture. En fonction de ces deux critères, ils estiment si une personne est assimilable ou pas. » C’est ainsi que, pour l’extrême droite, des réfugiés ukrainiens peuvent être accueillis. Les Syriens ne le seraient pas, leur religion (l’islam) ne leur permettant pas, par exemple, de comprendre le principe d’égalité femmes-hommes ou le concept de laïcité.
Nous d’abord
Quant au nationalisme, il fait l’apologie d’une nation pure et homogène. L’extrême droite parle de « protection » du territoire, de culture, d’emploi (à compétences égales, engager une personne née sur le sol), un langage plus vendeur que « la haine ». Enfin, le sécuritarisme prône plus d’armée, de police, une justice plus rapide et plus sévère. « Les trois caractéristiques vont de pair », synthétise François Debras. « On peut avoir des idées sécuritaires, mais ne pas être d’extrême droite. » En résumé, pour l’extrême droite, « il faut rassembler les êtres supérieurs sur un territoire et les protéger par rapport à une menace qui peut être extérieure, mais aussi intérieure ».
Le cas belge
La particularité belge, c’est une affaire de cordon sanitaire. Politique au nord et au sud, médiatique au sud. « On ne fait pas d’accord de gouvernement ou de coalition à quelque niveau que ce soit avec l’extrême droite : c’est le principe du cordon sanitaire politique. Celui du cordon sanitaire médiatique, c’est : pas d’interview en direct pour les partis antidémocratiques. Cela diminue la visibilité et la perméabilité des idées d’extrême droite. À ces deux cordons, le sud ajoute un troisième : un pacte culturel. « La montée de l’extrême droite est limitée par la richesse du tissu associatif. Les associations citoyennes et locales, les syndicats… participent beaucoup à la lutte contre l’extrême droite. Plus on a d’acteurs intermédiaires (entre les citoyens et leurs représentants), plus l’extrême droite est étouffée. »
Des failles dans le cordon
Cela n’empêche pas que le discours d’extrême droite soit diffusé. Sur le plan politique, « la proposition de construire des centres fermés pour demandeurs d’asile vient de l’extrême droite flamande », épingle notamment le politologue. Par ailleurs, le passage de politiciens issus de l’extrême droite vers des partis traditionnels, cela existe aussi (avec parfois des mandats à la clé). Certaines idées sécuritaires peuvent également poser question. « Lorsqu’on voit des propositions faites à Mons pour un renforcement et une systématisation des contrôles, la volonté d’instaurer un couvre-feu ou d’interdire certaines personnes au centre-ville, avec la stigmatisation de celles-ci en raison de leur condition sociale, on peut au minimum s’interroger sur l’ancrage du débat, ouvrir ses oreilles et être très attentif. » Enfin, sur le plan médiatique, la presse écrite n’est pas soumise au cordon sanitaire. Idem pour les réseaux sociaux : « En 2023, rien qu’en promotion de ses contenus sur Facebook et Instagram, le Vlaams Belang a mis 1.688.000 € sur la table. À titre de comparaison, le premier parti francophone sur Meta, c’est le PTB, avec 179.000 €. Cela pose question » , conclut François Debras.
Cet article est paru dans le Télépro du 29/8/2024
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici