Marcus Klingberg, au service de son KGB
Le documentaire proposé samedi à 20h25 par La Trois («Marcus Klingberg, un pur espion») explore l’âme de «l’espion le plus redoutable de l’histoire d’Israël» !
En septembre 1939, la vie de Marcus Klingberg, âgé de 21 ans et étudiant en quatrième année de médecine, bascule dans l’horreur lorsque l’Allemagne envahit son pays, la Pologne. «Prévenu du sort qui attend les Juifs par un officier allemand, avec qui il a sympathisé lors de la Grande Guerre, le père de Marcus veut quitter le pays», relate Fabrice Drouelle dans «Affaires sensibles», sur France Inter. «Mais son épouse refuse, persuadée que les choses finiront par se calmer. Pressé par son père pour «qu’au moins l’un de nous survive», Marcus Klingberg fuit vers l’URSS.» Faisant honneur au souhait de son père, le jeune homme parvient à rejoindre Minsk, où il apprend le Russe, adopte la nationalité soviétique et termine ses études de médecine grâce à une bourse du gouvernement. Les parents et le frère de Marcus, quant à eux, périront au camp d’extermination de Treblinka, en novembre 1942.
Loyauté d’adoption
Lorsque les nazis rompent le pacte germano-soviétique et envahissent l’URSS, le jeune médecin refuse, cette-fois, de fuir et s’engage comme volontaire dans l’Armée rouge. Le conflit terminé, il décide de retourner en Pologne. Mais l’URSS est définitivement dans son cœur, comme il l’explique dans son autobiographie, «Le Dernier espion». «À mon départ, en décembre 1944, j’étais épidémiologiste en chef de la Biélorussie et ardent communiste. Les cinq ans passés en Union soviétique ont suscité chez moi une loyauté sans faille que je n’ai jamais ressentie, ni avant, ni après, pour aucun autre pays.» Dans son pays natal dévasté, il rencontre Adjia Eisman, microbiologiste, qui deviendra son épouse. Par amour pour elle, qui qualifie la Pologne de cimetière géant, il accepte de s’installer en Suède.
Double vie
Marcus déteste la période suédoise autant que son épouse l’aime. Il ne peut pas travailler, ses diplômes n’étant pas reconnus. À la recherche de sens, Klingberg décide de prendre part à la naissance de l’État d’Israël. Son épouse le suit, à contre cœur. En 1957, il quitte Tsahal, l’armée israélienne, pour devenir directeur scientifique de l’institut de recherche en biologie de Ness Ziona, à 15 kilomètres de Tel-Aviv. Dans ce laboratoire, on travaille surtout sur l’armement chimique, dont le gaz sarin. Parallèlement à sa profession, depuis le début des années 1950, Marcus entretient une amitié qui ne cesse de grandir au fil des ans avec Victor, un Russe. Ils parlent de tout et de rien, mais aussi des recherches scientifiques qui occupent Marcus. En réalité, Victor est le premier secrétaire de l’ambassade soviétique à Tel-Aviv et l’homme du KGB sur place. Loin d’être dupe, Marcus sait qu’il est une source d’informations pour son ami. À aucun moment cependant, le sentiment de trahison n’occupe son esprit. Il a toujours fermement refusé d’être rémunéré pour ses confidences, de plus l’URSS est sa nation d’adoption et, jusqu’en 1967, l’allié précieux d’Israël.
La chute
En 1970, Moscou reprend contact avec Marcus. Inquiété plusieurs fois par les services de sécurités israéliens, Marcus s’en sort toujours. Jusqu’en 1983. Klingberg est arrêté, jugé à huis clos et condamné à la peine maximale, vingt ans. Dès sa libération, en 2003, il rejoint seul sa fille et son petit-fils, à Paris, son épouse étant décédée treize ans plus tôt. En novembre 2015, Marcus s’éteint à l’âge de 97 ans. Dans le documentaire, à ceux qui s’interroge sur sa double vie, on peut l’entendre expliquer : «Pour moi, un scientifique devrait faire fi des frontières. Si j’avais connaissance de secrets importants pour la sécurité du monde, alors, il me semblait que les deux blocs devaient en avoir connaissance.»
Cet article est paru dans le Télépro du 16/2/2023
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