Lybie : à la croisée des chaos
Depuis dix ans, le pays libéré du dictateur Kadhafi est prisonnier de ses rivalités et des convoitises. Ce mardi à 22h20, Arte fait le bilan avec le documentaire «Libye, l’héritage sanglant de Kadhafi».
24 décembre 2021 : les rues de Tripoli sont en liesse. Les urnes ont livré leur verdict : le président que tout un pays attendait est élu. Dans la capitale libyenne, les adversaires d’hier se tombent dans les bras. Le spectre de la guerre qui rongeait la population depuis une décennie s’éloigne. La perspective d’une stabilité économique et politique devient réalité. Quant à la population, elle peut enfin espérer une meilleure répartition des richesses du pétrole : l’espoir d’une vie meilleure s’offre à elle. Cris de joie et coups de klaxons… Soudain, ces images d’anticipation se figent, le rêve s’interrompt. Retour à la réalité, dans les mêmes rues, dix ans plus tôt…
Printemps de l’espoir
Février 2011 : la colère gronde à Tripoli. Le vent de la révolte du printemps arabe venu de Tunisie et d’Égypte souffle violemment sur la Libye. Mouammar Kadhafi, le guide de la révolution, à la tête du pays depuis quarante-et-un ans, est contraint d’abandonner le pouvoir. En fuite, le dictateur est assassiné le 20 octobre de la même année.
Sept millions de Libyens imaginent leur avenir positivement. Comment l’envisager autrement quand on possède la plus grande réserve pétrolière du continent africain, qu’on occupe une position stratégique et qu’on s’est débarrassé de celui qui empêchait de profiter librement de ces avantages ? La suite de l’histoire est pourtant une longue litanie de dérives, conflits, échecs et désillusions…
Forces en présence
Libérée du tyran, la Libye devient le théâtre de toutes les dissensions. Deux groupes principaux s’opposent. Le Gouvernement d’union national (GNA) a pour fief Tripoli. En 2015, c’est en lui et en son Premier ministre, Fayez el-Sarraj, que l’ONU fonde ses espoirs de stopper la guerre qui mine le pays.
Face à lui, le maréchal Khalifa Haftar, commandant en chef autoproclamé de l’Armée nationale libyenne (ANL). Il contrôle une partie du sud et l’est du pays, dont le «Croissant pétrolier» riche en gisements. Dans ce désordre fait d’offensives et de contre-attaques destructrices, un troisième pôle tente de tirer les marrons du feu : les réseaux terroristes.
Comme l’indique la plateforme «Hypothèses», ces réseaux profitent du chaos pour faire de la Libye «un territoire de repli après leur défaite au Moyen-Orient, une base idéale, propice au trafic d’armes avec le Sahel ainsi que celui d’êtres humains alimenté par les flux migratoires».
Géopolitique du chaos
Tant au plan régional qu’international, la position et les richesses libyennes attisent les convoitises. Chacun prend parti, ici par intérêt sécuritaire, là pour des raisons économiques, ou pour les deux. L’Égypte et les Émirats arabes unis, soutiennent le maréchal Haftar en qui ils voient un voisin rassurant, notamment pour la sécurité du canal de Suez.
La Turquie, elle, supporte militairement Tripoli avec à la clé le droit de mener des recherches en matière d’énergie (pétrole, gaz, électricité). Au balcon, les États-Unis, l’Otan et l’Union européenne observent avec détachement, tandis que Moscou épaule l’ANL via les mercenaires du groupe privé ultra secret Wagner. De son côté, l’ONU multiplie les initiatives pour ramener le dialogue entre les rivaux libyens.
4e tentative d’union
Le 5 février dernier, elle arrache un accord pour former un gouvernement intérimaire d’union nationale. Principale mission : organiser des élections présidentielles et parlementaires le 24 décembre.
La quatrième tentative de l’ONU sera-t-elle la bonne, celle des effusions de joie et de tous les espoirs ? Tout dépendra des candidats et de leur programme. Le maréchal Haftar sera-t-il l’un d’eux ? Il vient de renoncer à ses fonctions militaires…
Cet article est paru dans le Télépro du 7/10/2021
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici