L’Inde en mode Modi : autoritaire, nationaliste et sexiste
Sur Arte ce mardi à 22h25, le documentaire «La Nouvelle puissance indienne» propose une enquête sans ménagement sur l’ascension et la politique de l’homme fort de la plus grande démocratie du monde.
Narendra Damodardas Modi : ce nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant, l’homme de 70 ans qui le porte est à la tête de l’Inde depuis bientôt sept ans.
L’Inde, «plus grande démocratie du monde», un pays d’1,3 milliard d’habitants qualifié «d’émergent» : son produit intérieur brut par habitant le fait sortir de la case «pays en développement» pour s’approcher de celle de «pays développé». Celui qui n’hésite pas à parler de lui en utilisant l’expression «Moi, le gardien», n’est pas étranger à cette mutation.
L’ascension
Au printemps 2014, Narendra Modi emmène le parti nationaliste hindou (BJP) vers la victoire aux législatives. Régulièrement qualifié par ses adversaires de national-populiste, d’antimusulman et de xénophobe, Modi devient Premier ministre. À la tribune, devant des milliers de partisans scandant son nom, il affirme que le pays vient d’écrire «un chapitre historique» et qu’il s’engage à «réaliser les rêves de chaque Indien». Ses priorités ? Le développement, l’emploi, la lutte contre la corruption.
À l’origine, rien ne semble prédestiner ce petit homme aux plus grandes fonctions. Enfant, Narendra vit à Vadnagar, dans le Gujarat, un État de l’ouest du pays. Il aide ses parents à faire tourner l’épicerie familiale en vendant du thé en rue. Dans son livre «L’Inde selon Modi», Shashi Tharoor décrit son ascension et comment, à partir de son inscription au parti d’extrême droite hindou BJP, il gravit une à une les marches le conduisant au pouvoir suprême en Inde. «Je vais prendre votre amour et le transformer en progrès», lance-t-il le soir de sa victoire électorale, «Le développement de tous est notre mantra.»
À ce moment déjà, ses adversaires sont dans l’expectative. Ils craignent que, derrière le sourire jovial de cet homme à barbe blanche et au visage rondement rassurant, se cachent des desseins moins avouables : ils n’ont pas oublié les émeutes antimusulmanes ayant fait un millier de morts lorsqu’il dirigeait le Gujarat !
Bilan mitigé
Sept ans, un second scrutin victorieux (en 2019) et sa confirmation comme Premier ministre plus tard, qu’est-il advenu de l’homme, de ses promesses et des craintes que son accession au pouvoir inspirait ? Au lendemain des législatives de 2019, Le Monde diplomatique analyse la situation dans un article au titre sans équivoque : «Comment remporter les élections avec un bilan désastreux».
Bilan économique et social en demi-teinte voire décevant pour les uns, carrément médiocre pour d’autres analystes ! Pourtant Modi est plébiscité par une majorité des 900 millions d’électeurs. Ce qui fait la différence pour nombre d’observateurs occidentaux ? Un marketing bien rôdé : «Made in India», dont Modi est passé maître mais aussi (surtout ?) un discours basé sur la sécurité, la haine et la peur de l’ennemi pakistanais, le nationalisme hindou (les minorités chrétiennes et musulmanes sont discriminées) et le sexisme. Dans le même temps, la liberté d’expression est muselée : les récentes manifestations de paysans en ont témoigné.
National-populisme
Pour Shashi Tharoor, Modi ne serait rien d’autre que l’incarnation du national-populisme, comme le sont dans leurs pays Jair Bolsonaro, Vladimir Poutine ou Recep Tayyip Erdoðan. De son côté, le magazine de géopolitique Le Grand continent n’hésite pas à l’affirmer : Narendra Modi est «certainement le dirigeant le plus puissant que l’Inde ait connu depuis Indira Gandhi et peut-être le plus puissant depuis Nehru lui-même». Selon le Fond Monétaire International, le pays devrait enregistrer cette année une croissance plus forte que celle de la Chine. Avec pour capitaine son stratège nationaliste Modi, seul maître à bord…
Cet article est paru dans le Télépro du 5/3/2021
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