L’hydrogène, un bol d’air pour les transports ?
La voiture qui ne rejette que de l’eau fait rêver. Le projet est-il vraiment si vert ? En l’état actuel, pas sûr… Ce lundi à 21h sur France 5, le magazine «Sur le front» mène l’enquête.
«Un réseau européen d’autoroutes pour voitures à hydrogène». Il y a dix ans pratiquement jour pour jour, le magazine Automobile propre, spécialisé dans le secteur des véhicules respectueux de l’environnement, se fait l’écho de l’ambitieux projet SWARM. Seize partenaires européens (dont l’Université libre de Bruxelles et l’Université de Liège) unissent leurs efforts en vue de favoriser l’hydrogène comme alternative aux combustibles classiques pour l’automobile. Deux objectifs : tester des véhicules propulsés à l’hydrogène (celui-ci est transformé en électricité par la pile qui alimente le moteur électrique) et mettre sur pied un réseau de stations-service.
Microcab
Le Pr Pierre Duysinx, responsable du laboratoire d’ingénierie des véhicules terrestres de l’ULg, concentre ses observations sur la qualité du véhicule. Avec son équipe, il teste un prototype baptisé Microcab sur le circuit de Spa-Francorchamps. Après trois jours de test, la côte du raidillon a raison de la voiture équipée d’une pile à combustible alimentée par l’hydrogène. Cela n’empêche pas les observateurs d’être relativement optimistes. Pour une question d’autonomie d’abord : un plein permet de parcourir 500 kms. La rapidité du rechargement (trois minutes contre plusieurs heures pour une voiture électrique sur le réseau domestique) est un autre atout. Côté inconvénients, les scientifiques mentionnent à l’époque le prix du carburant et le nombre de stations de rechargement (une seule en Belgique, à Zaventem). «L’objectif principal de SWARM est de préparer l’arrivée des voitures à hydrogène et pile à combustible à grande échelle, prévue pour 2015», précise-t-on à l’époque. Dix ans plus tard, on est loin du compte.
Encore très cher
En Belgique, l’hydrogène est encore loin de faire le plein d’adhérents. Concernant le nombre de véhicules, l’arrivée «à grande échelle n’est pas une réalité. Selon l’organisation automobile Touring, une vingtaine de véhicules à hydrogène sont officiellement enregistrés dans notre pays chaque année. Au total, le parc automobile belge compterait aujourd’hui 66 voitures hydrogène. Ce sont surtout des entreprises qui les achètent. «Le groupe Colruyt dispose à lui seul d’une flotte de 21 véhicules H2.» Peu de demandes, peu d’offres aussi. La Toyota Mirai et la Hyundai Nexo sont les deux seuls modèles hydrogène disponibles dans notre pays. Leur prix reste particulièrement élevé, à partir de 68.600 e pour la Toyota Miraï et de 80.400 e pour le SUV Hyundai Nexo. Le site Glpautogas. info fait quant à lui les comptes côté stations-service. Au début du mois de mai, on en dénombrait huit sur l’ensemble du territoire belge. Une à Zaventem, une à Herve (province de Liège), une à Ollignies (Lessines), spécialement dédiée aux poids lourds, les autres en Flandre. Par ailleurs, la Commission européenne s’est engagée à financer l’installation de 63 stations hydrogène en Europe dont plusieurs dans notre pays. Le prix du carburant devient par contre un argument intéressant : 9,9 e le kilo. Sachant qu’il faut 5,6 kilos d’hydrogène pour parcourir 650 km, cela fait 8,5 e pour 100 km. Tout à fait concurrentiel par rapport aux carburants traditionnels !
L’Arlésienne ?
L’année dernière, le Pr Duysinx cosignait un livre blanc intitulé «Future move». Au cœur de l’ouvrage, l’hydrogène, une des réponses pour la décarbonation des transports, «un monstre du Loch Ness», cent fois disparu et réapparu au cœur de ses travaux depuis le début de sa carrière. Pour le professeur liégeois, on ne peut désormais plus ignorer qu’une partie du parc va basculer vers l’hydrogène dans un futur proche. C’est vrai qu’elle fait rêver cette voiture qui ne rejette que de l’eau. Mais, dans «Sur le front» (lundi, France 5), le journaliste Hugo Clément est moins catégorique. Selon son enquête, la voiture à hydrogène émettrait pour l’instant plus de gaz à effet de serre que la voiture diesel. En cause, la méthode de fabrication d’hydrogène dit «gris» qui rejette énormément de CO2. Hydrogène bleu, vert : les recherches sont en cours. Le transport et le stockage posent d’autres problèmes : «Il faut compter l’équivalent de 20 camions citernes pour transporter la même quantité d’énergie qu’un camion d’essence», indique Touring. La voiture à hydrogène a encore du chemin à parcourir…
Cet article est paru dans le Télépro du 18/5/2023
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