L’étoile jaune, l’étoile de la honte

Cette marque infamante a constitué le début de la solution finale. Elle concernait chaque Juif dès l’âge de 6 ans. © Isopix

Peut-on comparer le pass sanitaire à l’étoile jaune ? Petit retour sur ce symbole de la persécution des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

Lors de récentes manifestations, on a vu certains comparer le pass sanitaire à l’étoile jaune. Cet amalgame a choqué. Des institutions juives se sont indignées, évoquant une «honteuse instrumentalisation de l’Histoire».

Que représente exactement l’étoile jaune ? Ce samedi à 18h15, loin de toute polémique, «Faire l’Histoire» (Arte) remet les choses à plat.

Table rase

«Pour ce qui concerne la question juive, le Führer est résolu à faire table rase. Les Juifs sont le malheur de l’Europe. Ils doivent être éliminés. Cette question doit être considérée sans sentimentalité.» Dixit Joseph Goebbels, l’un des plus puissants ministres du Troisième Reich.

Dès 1938, c’est lui qui a l’idée d’imposer aux Juifs le port de l’étoile jaune. Le projet sera mis peu à peu à exécution dans toute l’Europe, au fur et à mesure de la conquête nazie. En Belgique, la décision tombe le 27 mai 1942.

Un marquage infamant

L’étoile jaune est un marquage infamant. Cette pratique n’a pas été inventée par les nazis. Dès le Moyen Âge, les prostituées, le lépreux, les hérétiques… sont obligés de porter des vêtements rayés. À l’époque, c’est le tissu assigné aux exclus de la société.

Au XIIIe siècle, Juifs et musulmans doivent aussi arborer une marque distinctive. C’est une décision papale pour éviter aux honnêtes chrétiens d’avoir à leur insu tout «commerce intime avec des femmes juives ou sarrasines». Les Juifs portent la rouelle, un morceau d’étoffe jaune attaché au revers de leur vêtement.

Au XIXe siècle, cette discrimination religieuse se mue en haine raciale. Le Juif devient le bouc émissaire. On parle de «complot juif», puis de «peste juive»… Le Juif a désormais des allures d’ennemi, mais c’est un ennemi invisible. Comment reconnaître un Juif en rue alors que rien ne le distingue des autres ?

Une affiche de propagande explique le raisonnement nazi : «Les Juifs assassinent dans l’ombre. Marquons-les pour les reconnaître !»

La mariée et le shérif

Les historiens estiment aujourd’hui que le marquage par l’étoile jaune a été le premier instrument de la solution finale. L’administration nazie a choisi l’étoile en référence à l’étoile de David, symbole de la religion juive, et le jaune en référence à la rouelle de jadis.

Dans les documents de l’époque, on peut lire : «Il est interdit aux Juifs dès l’âge de 6 ans révolus de paraître en public sans porter l’étoile juive.» L’étoile doit avoir «les dimensions de la paume de la main. Elle devra être portée bien visiblement sur le côté gauche de la poitrine, solidement cousue sur le vêtement».

Personne n’y échappe. Sur les photos sépia d’autrefois, on peut donc apercevoir de jeunes mariées avec une étoile jaune fixée à hauteur du cœur sur leur belle robe blanche… Les gamins, eux, préfèrent en jouer. Comme Serge Gainsbourg, qui avait 11 ans au début de la guerre, et qui y a vu une «étoile de shérif».

Dignité humaine

Certains ont tenté de résister à l’injonction nazie. Ainsi Jules Coelst, le bourgmestre social-chrétien de Bruxelles. Il refuse de faire appliquer l’ordonnance relative au port de l’étoile. Il écrit aux autorités allemandes : «Nous ne pouvons nous résoudre à nous associer à une prescription qui porte atteinte à la dignité de tout homme quel qu’il soit.»

Il sera démis de ses fonctions par l’occupant, puis déporté en Allemagne. Très diminué à son retour, Jules Coelst décèdera en 1946. On estime que 6 millions de Juifs sont morts pendant la Seconde Guerre mondiale.

Cet article est paru dans le Télépro du 27/1/2022

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