L’esclavage, depuis la nuit des temps

Plus de vingt millions d’Africains ont été déportés, vendus et réduits en esclavage © Getty Images
Stéphanie Breuer Journaliste

L’histoire de l’esclavage débute à l’aube de l’humanité et trouve ses origines à l’écart du continent africain. Une série de quatre documentaires retrace cette histoire ce mardi à 20h50 sur Arte.

Alors que le meurtre de George Floyd aux États-Unis a ravivé la lutte contre les discriminations raciales, Arte remonte «Les Routes de l’esclavage» (mardi à 20.50) pour comprendre les origines des discriminations envers les Noirs. Car, à partir du VIIe siècle et pendant plus de mille ans, l’Afrique a été l’épicentre d’un vaste trafic d’esclaves. Plus de vingt millions d’Africains ont été déportés, vendus et réduits en esclavage. Comment le continent noir est-il devenu la réserve de main-d’œuvre du monde ?
Présent dans presque toutes les civilisations, l’esclavage apparaît avec la sédentarisation et le début de l’urbanisation. Sa trace la plus ancienne provient de Mésopotamie, dans le code de lois d’Hammourabi (roi de Babylone), qui distingue les hommes libres, les subalternes et les esclaves. Au départ, l’esclavage concerne les prisonniers de guerre que les vainqueurs choisissent d’exploiter plutôt que de tuer. Le mot latin «servus» provient d’ailleurs de «conservare» («conserver»).

Esclaves blancs

Dans l’Antiquité, si certaines sociétés (Étrusques, Crétois…) recourent peu aux esclaves, d’autres, comme les Grecs ou les Romains, font reposer toute leur économie sur eux. À l’apogée de l’Empire romain, les esclaves représentent entre 30 et 40 % de la population de la Ville éternelle. Ils viennent de partout : des steppes d’Asie centrale à la Russie, en passant par l’Europe de l’Est et les pays slaves… Dans la plupart des langues européennes, le mot «esclave» dérive d’ailleurs du mot «slave». Les esclaves sont alors surtout blancs. Le milieu du VIIe siècle marque un tournant dans l’histoire de l’esclavage. À cette époque, les Arabes se lancent dans un vaste mouvement de conquêtes en Afrique du Nord. En 652, ils signent un pacte avec les Nubiens (sud de l’Égypte) : l’arrêt des hostilités en échange de 360 esclaves par an. Un marché qu’ils continuent d’imposer au fil de leur avancée sur la rive sud de la Méditerranée. Par convois entiers, des captifs africains convergent vers la capitale de l’Empire, Bagdad.

Le piège se referme

Après les conquêtes militaires, la demande en esclaves change de nature : les Arabes ne cherchent plus à grossir les rangs de leurs armées, mais à cultiver leurs terres. L’islam interdisant l’esclavage entre musulmans, ils vont chercher la main-d’œuvre au-delà de leurs frontières. «L’esclave n’était pas différencié par sa couleur, ça, ça ne comptait pas, l’esclave était différencié par sa culture, il n’avait pas la culture du dominant», explique l’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch. Mais lorsque la capitale se déplace au Caire, l’esclave slave ou caucasien est progressivement délaissé au profit de l’esclave noir. Le piège commence alors à se refermer sur l’Afrique…
Et à mesure que l’islam se diffuse (y compris dans les populations asservies), les Arabes sont contraints de trouver leur main-d’œuvre toujours plus loin. Avec l’aide des Berbères et de leurs dromadaires, un commerce transsaharien s’organise entre Le Caire et Tombouctou, terminus du désert et porte d’entrée de l’Empire du Mali. L’ivoire, l’or et, bien sûr, les esclaves traversent le Sahara en échange de sel, de bijoux et de tissus. Bientôt, ce sont six grandes routes de traite qui traversent le désert, de l’Afrique subsaharienne jusqu’à la Méditerranée, où les captifs embarquent vers les grands ports européens, voire la Chine. À partir du XIVe siècle, puis des grandes découvertes, un autre acteur entre dans cette danse macabre de l’esclavage noir : l’Europe. Avec sa soif de conquêtes et de richesses, le Vieux Continent fait alors entrer l’esclavagisme dans une nouvelle ère…

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 2/7/2020

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