
Les résistantes belges, ces femmes invisibles ?
Dimanche à 21h05 sur France 5, « Face à l’histoire » retrace le rôle crucial des femmes qui se sont opposées au nazisme lors de la Seconde Guerre mondiale. En Belgique aussi, la résistance fut une «affaire» de femmes.
Presse clandestine, services de renseignements, évasion, faux papiers, approvisionnement en nourriture ou matériel, espionnage, sauvetage d’enfants… Les femmes belges sont partout… où on ne les attend pas ! Mais, pourriez-vous citer le nom d’une seule de ces héroïnes ?
Sexe faible ?
Aucun nom ? Pas étonnant. D’abord, il y a le manque de sources « officielles », ensuite le faible pourcentage de femmes à souhaiter se faire reconnaître. À quoi bon ? Elles ont souvent agi dans l’ombre d’un mari ou d’un père, cela leur suffit. Pourtant, très tôt, un réseau de lutte s’organise. Dès 1942, il s’intensifie. Combien sont-elles à prendre part à ces mouvements intérieurs ? D’après les statistiques d’après-guerre de la plateforme Belgium WWII, « les femmes représentent environ 15 % des Résistants, soit quelque 30.000 personnes. Or, elles sont à coup sûr plus nombreuses à avoir participé au combat clandestin ». Problème (ou avantage) : leur implication n’est pas prise au sérieux ! Elles vont en jouer. Qui se méfierait d’une jeune institutrice se rendant à l’école à vélo ? À l’instar de Germaine Depoitre (1915-2013), de Lessines, qui fit passer des messages pour l’Armée secrète…
Agentes secrètes
L’héroïsme de Marguerite Monin, propriétaire d’une boutique de chapeaux à La Louvière, aurait sans doute été passé sous silence sans sa petite-fille, Constance Hautier, qui dévoile son histoire. En 1943, elle est arrêtée par la Gestapo. Elle a 25 ans. Son crime ? Avoir caché des renseignements dans des fournitures et aidé son mari dans des missions de sabotage. Après un an de détention à Bruxelles, elle reprend une vie « normale ». Marguerite Bervoets (1914-1944), enseignante à Tournai, n’eut pas cette chance. Travaillant pour l’exfiltration de pilotes alliés, elle se rend avec sa collègue Cécile Detournay (1911-1970), toutes deux membres de la Légion belge, au champ d’aviation de Chièvres pour photographier des batteries antiaériennes. Prises sur le fait, elles sont incarcérées à Mons puis déportées en Allemagne, où Marguerite sera décapitée.
Évasion
Durant cette guerre, de nombreux soldats britanniques vont se retrouver pris au piège. Chez Marie Beauduin, rue d’Oleye à Waremme, on y cache des aviateurs anglais. « Moins fouillées que les hommes, les femmes acheminent le courrier jusqu’à Londres », relate l’historienne Claire Pahaut dans les Archives de l’État. Mais comment rapatrier ces messieurs ? Le réseau le plus célèbre s’appelle Comète, dirigé par Andrée De Jongh (1916-2007), l’une des rares femmes chefs dans la Résistance. Plus de 1.200 soldats seront exfiltrés via l’Espagne. En 1943, Andrée est dénoncée. Lorsqu’elle avoue à la Gestapo qu’elle est l’instigatrice du réseau, on ne la croit pas… Déportée aux camps de Ravensbrück et de Mauthausen, elle sera libérée à la fin de la guerre. Elle rejoint ensuite le Congo pour y soigner les lépreux.
Rafles d’enfants
Après les rafles de l’été 1942, des enfants juifs se retrouvent sans parents. Directrice de l’ONE, Yvonne Nèvejean (1900-1987) en sauve plus de 3.000 ! Surnommée « la Schindler belge », elle met en place un vaste réseau d’institutions : couvents, orphelinats, colonies, familles d’accueil… Après la guerre, elle supervise le rapatriement de ses protégés dispersés. À Paris où elle s’est réfugiée, Suzanne Spaak (1905-1944), issue de la haute bourgeoisie belge, recrute des familles d’accueil. Elle conduit elle-même clandestinement plus de soixante bambins en lieu sûr. Arrêtée en 1943, elle a la présence d’esprit de remettre la liste des enfants à un membre de la Résistance, les sauvant d’une mort certaine. Elle sera torturée, puis fusillée le 12 août 1944, moins d’une semaine avant la Libération de Paris.
Cet article est paru dans le Télépro du 10/4/2025
À lire
• Philippe Collin, « Les Résistantes », 25,90 €, 448 p. (Albin Michel). Une adaptation d’un podcast de dix épisodes illustrée d’archives inédites dont beaucoup ont été confiées par les familles des Résistantes elles-mêmes.
• Romane Carmon, « Yvonne Nèvejean – Tout tenter pour les enfants », 24,95 €, 224 p. (Racine)
• Claire Pahaut, « Ces dames de Ravensbrück (1939-1945) », 35 €, 347 p.(Archives générales de l’État)
• Anne Nelson, « La Vie héroïque de Suzanne Spaak », 21 €, 396 p. (Robert Laffont)
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