Les petits métis cachés des colonies belges
À l’époque coloniale, des milliers d’enfants sont nés d’un père belge et d’une mère africaine. Des métis au destin parfois tragique. Ce samedi à 20h35, La Trois diffuse le documentaire «Métis, les enfants cachés de la colonisation».
«Je suis métis, un mélange de couleurs. Je suis fier d’être métis, je viens d’ici et d’ailleurs…» On connait la chanson de Noah, heureux d’être le fruit de deux cultures. Mais certains métissages sont plus difficiles à vivre. C’est le cas pour les enfants nés à l’époque coloniale, d’un père belge et d’une mère congolaise, rwandaise ou burundaise. On estime qu’ils seraient environ 20.000.
De père inconnu… haut placé
«La législation dit que nous sommes nés d’un père inconnu», témoigne l’un d’eux dans le doc «Métis, les enfants cachés de la colonisation» (La Trois, samedi). «Mais nos pères étaient les hommes les plus connus du Burundi, du Rwanda ou du Congo ! Ils avaient des postes haut placés !» Avant l’indépendance de 1960, de nombreux belges vivaient au Congo. Ils étaient fonctionnaires, militaires, industriels… Certains ont eu des liaisons avec des femmes africaines dont sont nés plusieurs milliers d’enfants métis. Quelques rares photos témoignent de l’histoire de ces femmes. Certaines sont visiblement heureuses. Elles ont parfois eu une relation continue avec un colon belge, vivant avec lui et lui donnant plusieurs enfants. D’autres, à peine sortie de l’enfance, ont l’air apeuré. Elles s’occupent souvent seules de leur bébé.
Enfants du péché cachés
Dès les années 1940, l’administration coloniale décide de faire disparaître ces enfants métis du paysage. Les mères seules sont visées en premier. On les convainc de laisser partir leur enfant afin qu’il fasse des études. Elles signent un document avec l’empreinte du pouce, sans comprendre qu’elles ne le reverront jamais. Les enfants métis sont rassemblés dans des institutions religieuses. Ils y sont qualifiés de «mulâtre» – en référence au mulet, né de l’accouplement d’un âne et d’une jument. Et élevé dans l’idée qu’ils sont des enfants du péché. Lors de l’indépendance, ces enfants sont envoyés en Belgique et donnés à l’adoption.
Pas de place ni d’attache
«Lors des premières rencontres», explique Dominique Regueme, réalisateur du documentaire, «j’ai été frappé par les points communs dans le récit des victimes : la séparation brutale avec la mère, l’isolement et les maltraitances subies à l’orphelinat, et puis les familles éclatées, les fratries séparées, et bien sûr cet exil violent, avec pour conséquence, pour beaucoup d’entre eux, de ne jamais parvenir à s’ancrer nulle part, de ne jamais trouver sa place.» Pourquoi la Belgique a-t-elle agi ainsi à l’égard des métis ? Car il n’y avait pas de place pour eux dans la société de l’époque. Bien que notre pays n’ait pas instauré au Congo une ségrégation à l’américaine ou un apartheid comme en Afrique du Sud, Noirs et Blancs vivaient séparément. Il ne fallait pas se mélanger. Le métissage n’avait donc pas lieu d’être. D’autant qu’il entamait l’image du colonisateur dominant. Or la domination était la clé de voûte du système colonial…
Des excuses
En 2017, le gouvernement belge s’est excusé pour «la ségrégation ciblée dont les métis ont été victimes sous l’administration coloniale du Congo belge». Par la voix de Charles Michel, il a aussi présenté ses «excuses aux métis issus de la colonisation belge et à leurs familles pour les injustices et les souffrances qu’ils ont subies». Dans la foulée, l’Église s’est aussi excusée. Mais tout n’est pas réglé pour autant. Les métis vivant en Belgique espèrent avoir un accès plus aisé aux archives pour comprendre leur histoire. Ceux abandonnés au Congo espèrent encore retrouver trace de leur famille belge…
Cet article est paru dans le Télépro du 23/6/2022
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