L’eau du Nil sous tension

Source de vie, le Nil est devenu source de conflits
dans une région qui dépend de son eau © Sara Creta/Magneto

À qui appartient le Nil ? L’Égypte s’est toujours imposée en maîtresse du fleuve, mais l’Éthiopie veut sa part du gâteau…

Avec ses 6.650 km, le Nil est le plus long fleuve du monde. Le Nil Bleu prend sa source en Éthiopie, il rejoint le Nil Blanc au Soudan, puis traverse toute l’Égypte du sud au nord avant de se jeter dans la Méditerranée. Le cours d’eau est essentiel à chacun des pays qu’il traverse… Tellement essentiel qu’il est source de conflits. Comme en témoigne le documentaire «La Bataille du Nil», diffusé mardi à 22h35 sur Arte.

La fée électricité

Quand on pense au Nil, on pense d’emblée à l’Égypte. Voilà très longtemps que les Égyptiens s’affirment comme les maîtres du fleuve. Au début du XXe siècle, un premier barrage est construit en amont de la ville d’Assouan afin de réguler ses crues et mieux gérer l’exploitation des terres. Dans les années 1960, le Premier ministre égyptien, Nasser, décide de la construction d’un barrage plus grand et plus puissant. Inauguré en 1970, il constitue aujourd’hui encore la plus grande étendue d’eau artificielle au monde. Cette retenue doit permettre de gérer le débit du fleuve et limiter les crues, mais aussi de produire de l’énergie hydroélectrique. Dans les années qui suivent sa mise en service, le barrage d’Assouan permet le raccordement à l’électricité d’une bonne partie du territoire égyptien, non équipé jusque-là.

Rêves de prospérité

Si l’eau est source de vie, le barrage est source de prospérité. La réussite égyptienne fait des envieux chez ses voisins. En Éthiopie, 
65 % de la population n’ont pas encore accès à l’électricité. Or cela semble indispensable au développement du pays. À l’activité économique, mais aussi à l’éducation. L’électricité, c’est l’éclairage, donc la possibilité d’étudier en soirée, de décrocher un diplôme, de sortir de la misère… Rêvant de progrès, l’Éthiopie décide de construire son propre barrage : celui de la Renaissance. Les travaux commencent en 2013, mais ils traînent. Seules deux des treize turbines prévues sont mises en service en 2022.

Seule et pauvre…

Pourquoi une telle lenteur ? D’abord parce que l’Éthiopie n’a pas les moyens financiers de son projet. Elle a déjà injecté des sommes colossales dans son barrage et est désormais prise à la gorge. Aucune nation étrangère ne semble vouloir l’aider, craignant de froisser l’Égypte qui assure par ailleurs une certaine stabilité à la région. Pour s’en sortir, l’Éthiopie joue la carte du patriotisme et demande à ses citoyens de mettre la main au portefeuille. Mais les Éthiopiens sont parmi les plus pauvres du monde, avec un salaire moyen inférieur à 1.000 €… par an !

L’argent du pétrole

Le chantier du barrage éthiopien est aussi bloqué par l’Égypte, qui craint de ne plus bénéficier de débit d’eau suffisant. «Personne ne doit toucher une goutte du Nil. Sinon la région connaîtra une instabilité sans précédent», a prévenu le président égyptien. Comme cette menace verbale n’a pas arrêté les Éthiopiens, il est passé aux menaces militaires et autres tentatives d’intimidations. L’Égypte a même saisi le Conseil de sécurité des Nations unies. En vain. Qui gagnera la bataille du Nil ? Peut-être ni l’Égypte ni l’Éthiopie, mais… les pays du Golfe ! Depuis peu, ils ont en effet investi la région à coups de milliards pour assurer leurs arrières hydriques et alimentaires. Quand on a du pétrole, on peut s’acheter de l’eau…

Cet article est paru dans le Télépro du 4/7/2024

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici