Le vrai Donnie Brasco, infiltré dans la mafia
De 1976 à 1981, l’agent fédéral Joseph Pistone, alias «Donnie Brasco», est parvenu à infiltrer la pègre de New York… pour la démanteler.
Si vous avez vu le film «Donnie Brasco» (1997), porté par Johnny Depp et Al Pacino, sachez qu’il ne s’agit pas d’une fiction. Mais d’une histoire vraie ! Celle de Joseph Pistone (dit Joe), qui, pour le compte du FBI, se fit l’ami des plus grands gangsters italo-américains des années 1970. «Il y a des matins où je me regardais dans le miroir en me disant : « Est-ce qu’on va me descendre aujourd’hui ? »», avoue, dans le documentaire de La Trois (vendredi, 21.50), ce père de trois enfants qui dut aussi sacrifier sa vie de famille durant près de six ans.
Viser la mafia
À l’époque, cinq familles mafieuses règnent sans pitié sur New York. Seul moyen de faire tomber le clan : trouver une taupe. L’agent Pistone, ancien professeur, est le candidat idéal : il a des origines siciliennes, parle couramment l’italien et a grandi dans le New Jersey. Il connaît donc très bien les codes de la mafia. Par ailleurs, il vient de réussir haut la main une mission d’infiltration dans un vol de camions. Son pseudonyme ? Donald (Donnie) Brasco. Il garde cet alias et, pour être plus crédible, se fait passer pour un voleur de bijoux. Après un stage de deux semaines dans une joaillerie new-yorkaise, l’usurpateur est fin prêt pour entamer sa mission. Enfin, presque. Ses données sont effacées de la liste du FBI, comme s’il n’avait jamais existé. Ses collègues et sa famille ignorent tout de ses activités. L’opération, qui devait durer six mois, va prendre une ampleur insoupçonnée…
Gangster of New York
Première étape : se montrer. Joe Pistone se met à fréquenter les bars habituels des mafieux. Pour briser la glace, il apprend les règles du backgammon, jeu très prisé des «affranchis». Peu à peu, la pieuvre mord à l’hameçon. Le faux croqueur de diamants s’immisce dans la famille Colombo, avant d’intégrer celle des Bonanno, où il gagne leur totale confiance. Benjamin Ruggiero, dit «Lefty» (Al Pacino à l’écran), en fait son «associé».
Dans son livre (*), Pistone précise : «Un « associé » est un truand en relation avec les membres de la mafia. Il travaille pour eux, mais ne bénéficie pas de tous les avantages d’un vrai membre de la Cosa Nostra. Le vrai membre, lui, est intronisé, et c’est ce qu’on appelle un « affranchi ».» Devenir «affranchi» est le but ultime de Pistone qui veut «humilier la mafia et mettre fin à son mythe d’invincibilité». Mais le FBI le rappelle à l’ordre.
Haute tension
En Floride, un autre agent infiltré, surnommé Tony Conte, a besoin de lui pour mettre à mal la pègre locale. Coup de théâtre : Tony est démasqué. La mission devient trop dangereuse. Pile au moment où le big boss Dominick Napolitano, surnommé Sonny Black, annonce à Joe Pistone qu’il figure sur la liste des nouveaux affranchis… Et lui demande d’éliminer le fils d’un mafieux trop ambitieux… «En tant qu’agent du FBI, je ne pouvais pas participer à un assassinat. Je ne pouvais pas non plus décliner cette offre au risque de nuire à ma crédibilité.»
Pour le FBI, il est temps de plier bagage. Les tensions au sein même des Bonanno sont vives. Et Pistone a récolté assez de preuves.
Le 26 juillet 1981, la supercherie est révélée au grand jour. Une centaine de mafiosi sont arrêtés. Parmi eux, Lefty écope de vingt ans de prison. Sonny Black, lui, est assassiné (parmi d’autres), les mains coupées en signe de règlement de compte. La Cosa Nostra exclura la famille Bonnano; ses règles d’admission seront durcies. Quant à Pistone, sa tête est mise à prix pour 500.000 $. Aujourd’hui, à 84 ans, il vit dans l’anonymat. Le contrat «sur sa tête» serait toujours actif…
(*) À lire : Joseph Pistone, «Donnie Brasco : Unfinished Business», 336 pages, 19,50 € (Éd. Running Press, 2008)
Cet article est paru dans le Télépro du 6/6/2024
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici