Le parcours frappadingue de vos fringues
Dans le nouvel épisode de «Sur le front», ce dimanche à 20h55 sur France 5, le journaliste Hugo Clément nous emmène sur les traces des vêtements que nous donnons.
L’industrie du textile rejette deux fois plus de CO2 que tout le transport mondial aérien. Ceux qui sont conscients de l’empreinte écologique de leur garde-robe tentent donc d’insuffler une seconde vie à leurs vêtements en les donnant, par exemple, via des «bulles à vêtements». Mais avec ce geste que nous pensons écologique et altruiste, faisons-nous pire que mieux ?
À la trace
Ce n’est pas un scoop, le monde occidental est une société de surconsommation. La mode n’échappe pas à ce constat. En moyenne, le Belge achète dix kilos de nouveaux vêtements, chaussures et draps par an, pour ne porter finalement que 30 % de ses acquisitions.
À chaque changement de saison, nous sommes donc nombreux à entasser les tenues que nous ne voulons plus porter dans des sacs, direction un conteneur à textiles. L’armoire s’allège. Nos cœurs aussi : c’est une bonne action écologique et humaniste. Vraiment ?
GPS dans les fringues
Pour le savoir, Hugo Clément et son équipe de «Sur le front» ont décidé de placer des capteurs GPS dans quelques vêtements donnés. Résultat : «Une grande partie de ces articles sont revendus à l’étranger ! Ils n’aident pas des familles françaises en difficulté, mais sont exportés dans les pays pauvres où ils sont commercialisés.»
En réalité, quand ils sont récoltés, nos vêtements subissent une évaluation qui définira leur destination. Ceux de plus grande valeur sont répartis dans des boutiques de seconde main, dont des boutiques solidaires belges.
Les dons trop abîmés sont recyclés en chiffon. Enfin, le plus gros des collectes est effectivement envoyé dans des pays du tiers-monde pour être revendus sur place.
Décharge à ciel ouvert
Avant d’être pistés par Hugo Clément, les vêtements donnés avaient déjà fait l’objet d’une enquête menée par Liz Ricketts, co-fondatrice de The OR Foundation. Cette organisation à but non lucratif lutte contre le gaspillage vestimentaire et le désastre écologique qu’il engendre, notamment au Ghana.
«Avec la colonisation, les Ghanéens ont commencé à porter des vêtements occidentaux pour créer une proximité avec le pouvoir. Les pays anglo-saxons ont saisi cette opportunité et ce pays est ainsi devenu une plaque tournante pour le vêtement d’occasion», détaille Liz Ricketts, dans le magazine Marie-Claire.
Partie visible de l’iceberg
Si nous pouvons déplorer, d’un point de vue écologique, que nos vêtements donnés fassent un tel trajet, il ne s’agit là que de la partie visible de l’iceberg. Une fois arrivés à destination, ils sont à nouveau triés en fonction de leur qualité et de leur potentiel de vente. Ainsi, chaque jour, au Ghana, deux tonnes de vêtements finissent dans une décharge.
«40 % des vêtements qui ne conviennent pas sont gérés de manière inappropriée», relate-t-on sur le site de Marie-Claire «abandonnés, enterrés dans le sable ou charriés vers les océans.»
Enfin, à ce coût environnemental s’ajoute un coût humain, puisque des travailleurs sont exploités par cette industrie, avec un salaire maximum de 10 dollars par jour pour les très chanceux.
Vive le troc
Mais alors, comment bien consommer la mode sans se sentir coupable de participer à la pollution globale et locale de pays défavorisés ? Pour Liz Ricketts, le constat est sans appel : il faut arrêter d’acheter. «Les données que nous avons au sujet du don de vêtements montrent qu’il n’existe aucun marché, aucun pays, qui puisse absorber autant de vêtements de mauvaise qualité.»
Pour faire de nouvelles acquisitions «vertes», vous pouvez aussi vous adonner au troc via «Pandri, la garde-robe tournante», par exemple. Lancée par deux Bruxelloises, cette initiative propose aux «troqueurs» de se rassembler environ tous les trois mois. Niveau traçabilité, difficile de faire mieux puisque vous rencontrez directement la ou le propriétaire de vos futurs vêtements.
Cet article est paru dans le Télépro du 16/12/2021
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