Le métier de journaliste, plus nécessaire que jamais

Mercredi à 21h05, France 5 entame une nouvelle série de documentaires sur le mode du « Dictionnaire amoureux de… ». Premier thème mis à l’honneur : le journalisme.

Ma sœur : « À quoi on joue ? » Moi : « Au journaliste. » Je n’ai pas encore 10 ans, mais la spontanéité de la réponse n’attend pas le nombre des années. Luc Varenne, maître des expressions imagées et roi des envolées lyriques remplies d’émotions, n’y est pas étranger. Il n’est pas le seul. Raoul Goulard et ses reportages en Afrique, Armand Bachelier et son phrasé si particulier, Henri Mordant, sortant de l’eau en costume pour un reportage sur le tunnel sous la Manche… Et puis Tintin n’était-il pas reporter ? Ric Hochet, journaliste au quotidien La Rafale, et Jérôme Fandor (Fantomas), à La Capitale ? Non, décidément, il fallait jouer au journaliste. Le temps a passé, mon regard a changé : être journaliste n’a vraiment rien d’un jeu d’enfant. Surtout maintenant.

Tous journalistes

Si informer est un métier, l’environnement de ce métier est devenu beaucoup plus compliqué qu’il y a quelques années. Martine Simonis est secrétaire nationale de l’AGJPB (Association générale des journalistes professionnels de Belgique) depuis 1992 et secrétaire générale de l’AJP (Association des journalistes professionnels) depuis sa création, en 1998. Elle est un témoin privilégié de cette évolution. « Le monde de l’information a changé avec l’omniprésence des réseaux sociaux », estime-t-elle. « Tout à coup, tout le monde a pensé qu’il pouvait fournir de l’information et devenir journaliste, que le journalisme, c’était « balancer » une idée sur un réseau social. » Le plus souvent, ces personnes ignorent de quelle manière travaillent les journalistes, l’importance d’avoir plusieurs sources, de recouper une information. Elles méconnaissent les règles déontologiques, le savoir-faire, les compétences nécessaires.

Chacun dans sa bulle

L’existence de « bulles informationnelles » n’arrange rien à l’affaire. « Des personnes vivent dans des mondes parallèles. Elles n’ont qu’une seule source d’information (souvent de désinformation). Le journaliste ne représente plus rien que du mensonge parce que ce n’est pas ce qu’elles voient, lisent, entendent dans cette bulle informationnelle. » L’irruption d’entreprises de désinformation à grande échelle, la frontière très peu claire avec les influenceurs (qui se font passer pour des journalistes, mais servent des intérêts privés) font en sorte que la méfiance vis-à-vis de la presse s’est installée.

La violence augmente

Corollaire de cette méfiance : la violence vis-à-vis des journalistes. Autrefois réservée aux zones de guerre, à certains pays d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud, elle touche aujourd’hui l’Europe. Depuis dix ans, les agressions physiques ou sur les réseaux sociaux, les disparitions, les assassinats se multiplient. « La multiplication des procédures « baillons », des actions judiciaires parfois loufoques pour empêcher des journalistes de traiter certains sujets, nous interpellent aussi. D’autant que les autorités réagissent peu », s’inquiète Martine Simonis. Cette violence a des conséquences sur la profession. « Des journalistes arrêtent le métier ou refusent de traiter certains sujets. Leur santé mentale est affectée. »

Néo journalisme

Face à cette situation, un nouveau journalisme se met en place. Forbidden Stories, par exemple, est un réseau international de journalistes qui a pour mission de poursuivre les enquêtes d’autres reporters qui ont été réduits au silence. Des enquêtes de grande envergure (les leaks) sont aussi menées par des journalistes appartenant à des rédactions différentes. Cela n’existait pas il y a quelques années. Malgré le contexte de violence et une situation économique difficile pour le secteur, le nombre de journalistes belges (5.000) reste stable (il est en baisse dans de nombreux autres pays). Autre constat positif : « Quand un événement important survient, le public se tourne de manière privilégiée vers les médias d’information générale », conclut Martine Simonis. « Dans cet environnement de désinformation et de surinformation, nous avons besoin de journalistes professionnels, plus que jamais. »

Cet article est paru dans le Télépro du 14/11/2024

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