Le conseil de Mundia Kepanga, chef papou : «Plantez des arbres !»

Mundia Kepanga © Arte/Marc Dozier
Nicole Real Journaliste

À l’occasion de la COP 28, qui se tient jusqu’au 12 décembre à Dubaï, Arte propose une journée spéciale, ce samedi, consacrée aux «Gardiens de la forêt».

Pour réveiller les consciences et sauvegarder les poumons verts indispensables à notre planète, Arte diffuse cinq documentaires réalisés sur cinq continents.

À 13.55, direction la Papouasie-Nouvelle-Guinée, représentée par son «Gardien de la forêt», le chef papou Mundia Kepanga. Nous avons eu l’honneur de le rencontrer.

Pouvez-vous nous expliquer le rôle de gardien de la forêt ?

Je ne suis jamais allé à l’école. Ma mère a accouché sous un arbre et, pour me réchauffer, elle ne m’a pas mis sous une couverture dans un berceau, mais elle m’a enroulé dans des feuilles. Enfant, en écoutant attentivement les anciens, j’ai appris des tas de choses sur la nature. J’ai commencé à devenir un gardien de la forêt en apprenant à protéger l’eau ou à choisir les arbres pour construire des maisons. Aujourd’hui, je transmets ce savoir à mes enfants.

Comment pouvons-nous contribuer à la protection de l’environnement ?

Accompagné de quelques enfants, j’ai commencé par planter un arbre dans mon village. Ensuite, avec leurs professeurs, ces mêmes enfants ont à leur tour planté deux cents arbres. Un ministre de l’Agriculture français les a félicités pour cette initiative et leur a demandé qui leur avait donné cette idée. Ils ont répondu : «Un vieux Papou avec des plumes !» Si tout le monde prend soin de la nature, en retour, la nature prendra soin de nous. Pour partager avec le monde entier l’urgence de préserver la planète, j’ai réalisé un film qui, en touchant un public très important, a permis de faire évoluer favorablement la situation, en particulier dans mon pays. Pour protéger la nature, à votre échelle, faites ce que vous pouvez vous-même, mais n’hésitez pas à planter des arbres !

Quelles sont ces évolutions dans votre pays ?

Ce n’est pas moi, mais les hommes politiques qui possèdent le pouvoir légal de protéger les forêts. Notre Premier ministre, qui a été élu récemment et qui fait partie de ma tribu, a vraiment conscience de l’urgence du problème. Il a abrogé les lois qui favorisaient la déforestation et, très prochainement, il va aussi interdire l’export des grumes (les troncs, ndlr), ce qui permettra d’arrêter de couper des arbres.

L’Union européenne vous soutient-elle ?

Oui, le financement par l’UE d’un projet luttant contre la déforestation, à hauteur de cent millions d’euros, était très important car il a permis de proposer à des propriétaires terriens comme moi, des Papous très pauvres, une alternative économique qui leur évite de vendre leurs arbres. Cette aide leur donne les moyens de gagner de l’argent sans détruire la forêt. Pour mon pays, il est important que la communauté européenne continue de nous soutenir.

Avez-vous un conseil pour nous aider à bien préserver la nature ?

Au cours d’une rencontre à l’Unesco, une personne m’a posé une question étrange : «Vous qui portez des plumes et des parures, vous êtes certainement un grand sage. Pourriez-vous me dire ce que nous devons faire pour lutter contre le réchauffement climatique ?» J’ai répondu : «Contrairement à moi, vous avez eu la chance d’aller à l’école. Je ne sais ni lire ni écrire et je ne suis pas non plus un scientifique, je n’ai donc pas la réponse à votre question, posez-là à quelqu’un d’autre !»

Quelle est pour vous la valeur la plus importante à transmettre dans la vie ?

Le respect. Je vais vous raconter une histoire : plus jeune, je me suis occupé des anciens en allant leur chercher de l’eau à la rivière, de la nourriture ou du bois pour se chauffer. Lorsqu’ils ne pouvaient plus marcher pour aller aux toilettes, je les y portais. En cas de besoin, je les nettoyais. Un jour, pour me remercier d’avoir pris soin d’eux, chacun m’a offert un poil blanc de leur barbe en précisant qu’ils me feront don de leur savoir pour devenir, à mon tour, un grand chef. Si aujourd’hui je suis devant vous, c’est parce que j’ai fait preuve de respect pour Marc Dozier, le réalisateur du documentaire qui, pour me remercier, m’a convié à Paris. Pour rendre à chacun la vie meilleure, j’invite tous vos lecteurs à faire preuve de respect.

Cet article est paru dans le Télépro du 7/12/2023

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