Le climat, l’autruche et l’homme

Fable hyperréaliste mettant en scène un climat qui perd la boule, un volatile qui ne vole pas et un humain sans tête… Ce lundi à 20h35, La Trois diffuse le documentaire «Climat : mon cerveau fait l’autruche».

Il est une fois (au présent car la situation est bien actuelle), un climat très perturbé. À de fortes périodes de chaleurs et de sécheresse inhabituelles succèdent des pluies diluviennes et des tornades épouvantables. La glace fond aux pôles, le niveau des mers et des océans montent, des terres disparaissent, des populations entières se déplacent à la recherche d’un nouvel habitat.

Pendant ce temps, dans la savane, un groupe d’autruches se pavane. De loin, on pourrait croire qu’elles ont plongé la tête dans le sol. En y regardant de plus près, la réalité est différente. L’une est occupée à retourner ses œufs, l’autre, tout aussi herbivore que sa congénère, se nourrit de plantes. Quant au troisième oiseau qui ne vole pas, il met sa tête à l’abri de la tempête de sable qui s’annonce. L’enfoncer dans le sable lorsqu’elle a peur ? Jamais ! Elle préfère laisser cela à l’homme. C’est une de ses sales habitudes. Le climat est perturbé ? Hop, tête dans le sable ! Images à l’appui.

Déni

Mai 2019. Ils sont plusieurs dizaines sur une plage australienne à prendre la pause. Des femmes, des hommes, vieux, jeunes… tous parfaitement non identifiables : à quatre pattes, les manifestants ont enfoui leur tête dans le sable. Peu avant l’ouverture d’un sommet du G20 à Brisbane, ils veulent marquer le coup par un cliché symbolique : face à l’urgence climatique, gouvernements et citoyens refusent de voir la vérité. Les photos font le tour du monde.

«Faire l’autruche» : cette faculté à fuir une évidence semble une constante chez l’être humain. En psychanalyse, cela s’appelle le déni, un concept créé par Sigmund Freud pour désigner «l’attitude de refus de prendre en compte une partie de la réalité, vécue comme inacceptable par l’individu», «un mode de défense particulier, où le sujet refuse de reconnaître la réalité d’une perception traumatisante tout en la reconnaissant d’une certaine manière».

Loi du moindre effort

«Serions-nous programmés pour faire l’autruche devant la menace ?» Le reportage diffusé lundi sur La Trois se pose la question. Les réponses sont multiples. L’enquête scientifique décrypte les mécanismes psychiques qui nous empêchent de regarder la situation telle qu’elle est «pour peut-être nous aider à refuser ces mauvais réflexes et à faire enfin les choix qui s’imposent». Elle explore aussi les dernières avancées en neuroscience, psychologie comportementale ou anthropologie, éclaire les contradictions et les peurs qui nous habitent quand il s’agit de changer nos habitudes de vie.

Une piste ? Notre cerveau, responsable de 15 à 20 % de la dépense énergétique de l’organisme, aurait parfois tendance à s’économiser pour préserver ses ressources. Pour cela, il pourrait choisir de décider «à la va vite» ou d’ignorer un problème trop contraignant ou énergivore, indique le média indépendant en ligne The Conversation. Le cerveau suit alors l’avis général. Trop optimiste, il surestime aussi ses capacités. Résultat final : il peut opter pour des décisions erronées.

Occulter la mort

Autre approche du problème, celui de George Marshall, philosophe, sociologue et cofondateur de l’ONG Climate Outreach. Dans son ouvrage «Le Syndrome de l’Autruche – Pourquoi notre cerveau veut ignorer le changement climatique» (éd. Actes Sud), le militant écologiste anglais estime que les échecs sont aussi dus au langage du monde scientifique devenu inaudible car «abstrait, distant, aride et consensuel aux injonctions politiques».

George Marshall appelle notamment à «développer une communication ouverte et optimiste afin de créer de la proximité et de faire entrer dans les esprits l’idée que modifier ses modes de vie est source d’épanouissement». Pierre-Henri Gouyon, biologiste français spécialisé en sciences de l’évolution, en génétique, en botanique et en écologie, déclare de son côté : «Dès qu’on naît, on sait qu’on va mourir. Donc, on essaie de l’occulter de nos vies tous les jours. Savoir ne nous oblige pas à croire». 

Cet article est paru dans le Télépro du 16/3/2023